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| Le retour de la guérisseuse | |
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Ragnar Herteitr Jarl
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| Sujet: Le retour de la guérisseuse Jeu 15 Juil 2010 - 13:13 | |
| Une fois sorti de ses quartiers, Ragnar alla s'isoler dans une pièce tranquille et prit un court instant pour respirer. Sa blessure le faisait toujours souffrir, surtout après ses efforts irréfléchis après la danse de Sahnnâ. Mais surtout, il lui fallait prendre le temps de se remettre dans l'état d'esprit convenable pour remplir ses devoirs. Autant, mentalement, il était tout à fait capable de passer sans transition d'une activité à une autre, autant son corps mettait manifestement plus de temps à réagir. Ses jambes tremblaient légèrement et la sensation de tension dans son entrejambe ne semblait pas vouloir revenir à la normale.
Et pourtant, si, finalement. Après quelques minutes, Ragnar avait complètement retrouvé son état normal. Il se dirigea vers la cour où Ivar entraînait les nouvelles recrues. D'habitude, il ne rechignait pas à participer à l'entraînement. Mais dans son état, ce n'aurait pas été raisonnable. Il ne s'imposerait pas auprès de ses nouveaux soldats en s'évanouissant devant eux. Néanmoins, il devait montrer une présence. Des bruits de bois entrechoqué lui apprirent que l'entraînement était déjà en cours. Sans se faire remarquer, il alla s'installer dans un angle ombragé, observant le déroulement des opérations.
Ivar était en train d'insulter la vingtaine d'hommes qui s'exerçaient sous sa férule. Une dizaine de danes, hilares, assistaient à la scène. - "Non, non ! Hurla Ivar, son visage rougi par l'énervement. Ton bouclier doit chevaucher celui de ton voisin ! Sinon il y a une brèche dans le mur, et l'ennemi la verra et vous tuera tous !"
L'homme réajusta son bouclier, rouge de honte. Ragnar grimaça. Les Danes qui restaient spectateurs et se moquaient de leurs nouveaux alliés n'arrangeaient pas les choses. L'ambiance allait s'en ressentir. Le jarl aurait pu attendre que son lieutenant repère le problème et le corrige. Mais l'été s'achevait. Bientôt, les tempêtes de l'automne et surtout de l'hiver allaient les bloquer à terre pour plusieurs mois. Il ne tenait pas à ce que ses soldats soient à couteaux tirés durant cette période. Aussi décida-t-il de reprendre les choses en main.
Sortant de l'ombre du mur, il s'avança vers le groupe.
- "Ils bougent bien, seigneur. Ils ont une bonne connaissance des armes. Mais il leur manque un peu de condition physique et surtout, ils n'ont aucune connaissance des tactiques de groupe". Ivar avait parlé d'une voix suffisamment forte pour que les nouvelles recrues l'entendent, mais pas les spectateurs.
Ragnar ordonna d'un geste de la main aux spectateurs de venir. Puis il ordonna que le groupe des nouvelles recrues se divise en deux. Celui des danes également. Danes et recrues devraient combattre côte à côte, un groupe contre l'autre. Il espérait ainsi les forcer à coopérer. Chaque camp comptait une quinzaine d'hommes sur deux lignes. Il était donc impossible de ne mettre que des danes en première ligne. Et quand bien même, c'était les soldats des deuxièmes lignes qui avaient pour rôle de les protéger de leurs boucliers. Pour augmenter l'enjeu, Ragnar décida que le groupe perdant remettrait les fruits de ses prochaines prises au groupe gagnant. Il espérait ainsi effacer la barrière qui existait entre ses hommes et ceux de Charles de Montfier.
Les deux groupes s'avancèrent l'un vers l'autre, et se retrouvèrent vite au contact. De l'extérieur de la mêlée, il était impossible de voir que que ce soit. On n'entendait que des vociférations et des grognements d'effort. Plus intéressant, on entendait de temps en temps des voix donnant des conseils d'un ton rugueux.
- "Lève ton bouclier au-dessus de sa tête !" - "Pique entre les boucliers !" - "Attention aux coups aux chevilles !" - "Mais lève ton bouclier, espèce d'abruti !"
Ragnar sourit. Les danes étaient bien obligé d'aider leurs nouveaux alliés et de pouvoir leur faire confiance. Leur part de butin en dépendait. Et bientôt leur vie. Il fallait cependant qu'il juge d'abord de la loyauté de ses nouvelles recrues.
Finalement, l'un des blocs céda, après plusieurs minutes d'ahanements et de tentatives acharnées. Ragnar ne put pas voir pourquoi, mais les hommes à sa droite enfoncèrent la formation de ceux de gauche. La bataille fut rapidement terminée.
Ragnar, satisfait du travail de groupe sinon de l'efficacité des combattants, se retira tout en chassant d'un geste les derniers spectateurs. Ivar saurait jouer son rôle sans aide.
Le jarl consacra la fin de la matinée à se promener dans la forteresse qui lui appartenait désormais. Pas d'inspection, non, il avait envie de se détendre. Il laissa donc ses pas le guider où ils le voulaient, sans se donner d'objectif précis.
Le dernier propriétaire des lieux s'était montré négligent sur l'entraînement de ses hommes et leur connaissance de la tactique de guerre. Mais, il fallait le reconnaître, la forteresse était impeccablement entretenue. Les pièces étaient propres, les greniers pleins de provisions, les passages dégagés... Une citadelle en bonne pierre de taille, où s'établir et prospérer. Ragnar était fort satisfait de son choix. Il faudrait repérer les passages secrets. Plus tard.
Lorsque son estomac donna des signes d'agitation, il se fit porter du du pain, de la viande et de la bière dans ses appartements, avala le tout avant de faire une sieste. Il se réveilla en début d'après-midi, apprit d'un serviteur que la guérisseuse était arrivée et se dirigea vers la pièce où les blessés graves avaient été installés. Rowan devrait être dans le coin...
Non qu'il pense avoir spécialement besoin de soins, mais cela ne coûtait rien de vérifier. Et sa proximité, était excitante, non par son insolence et ses colères, mais par la vitalité que cela supposait. Ce n'étaient pas des motivations purement thérapeutiques qui faisaient presser le pas au jarl pendant qu'il descendait les escaliers...
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| | | Rowan Altenberg
Messages : 110
| Sujet: Re: Le retour de la guérisseuse Jeu 15 Juil 2010 - 13:14 | |
| Et de deux.
Elle finit de serrer le noeud du bandage complexe qui garde propre la blessure à l'épaule de son deuxième patient. Il s'agit d'ailleurs plus de l'immobiliser que de protéger la blessure. Ces fichus Suéris ont la bougeotte. Elle a du se retenir de ne pas engueuler comme un môme le premier, celui à la cuisse profondément entaillée. Elle a trouvé son pansement tout détrempé de sang, deux points lâchés, et a demandé à l'homme si il s'était levé. Ce à quoi il lui avait répondu, grognon, qu'il fallait bien qu'il pisse. Alors que la veille elle lui avait, et elle s'en souvient bien, défendu de faire le moindre effort.
Il lui a fallu un effort de self-control impressionnant. A vrai dire elle est très fière d'elle. Elle a déployé toute ses bonnes résolutions et a expliqué à l'homme que sa blessure était très sévère, que s'il n'épargnait pas sa jambe comme elle le lui recommandait, il risquait d'en perdre l'usage, ce qui ruinerait par la même occasion ses talents guerrier. L'argument a semblé faire mouche, et le type a eu l'air à la fois troublé, et un rien penaud. Elle n'a rien ajouté. Le "gros abruti", elle l'a juste pensé très fort, et comme le type regardait ce qu'elle faisait et pas son visage, il a fort heureusement raté le passage de l'imprécation dans ses yeux. On lui a signalé que l'insolence et le manque d'égards étaient inacceptables... Et elle entend s'en tenir scrupuleusement à sa nouvelle ligne de conduite. Si le gros abruti se lève quand même, il clopinera pour le reste de sa vie, et elle ne s'en sentira aucunement responsable. Ceci dit elle ne le lui souhaite pas, et lui indique donc avec un aplomb qui semble le surprendre et le gêner un peu, vu sa rougeur, que n'importe quel cruchon pourra faire l'affaire, et qu'elle avertira les servantes de lui en préparer un.
Peut-être que j'aurais du rester à moitié nue et couverte de sang. Là ça n'avait pas l'air de les choquer que je parle de leurs problèmes de tuyauterie.
Elle n'a pourtant pas fait tant d'efforts de toilette que ça, trouve-t-elle. Elle a renoncé à l'ample tunique informe qu'elle s'était toujours imposé jusque là pour descendre au village, d'abord parce que ça a toujours été particulièrement inconfortable de se glisser dans les bois avec ce machin qui s'accrochait partout, ensuite parce que l'objectif était de la dissimuler autant que faire se peut. Et ça, après la journée d'hier, ça n'a plus aucun sens. Donc, quand il s'est agi de se préparer pour aller voir comment évoluaient les plaies et bosses de la veille, il lui a fallu prendre quelques options vestimentaires inédites. Elle a en fin de compte choisi le compromis entre le pratique et confortable, et le "convenable" pour se présenter à la forteresse et demander humblement si l'on consentait à bien vouloir lui laisser sauver la vie des gens s'il vous plaît merci bien. Donc non, elle n'a toujours pas l'air d'une femme "comme-il-faut". Mais elle est déjà nettement plus couverte que la veille. On ne voit que trente centimètres de jambes gainées de chausses entre les hautes bottes lacées et le bas du justaucorps de peau souple qui lui vient à mi-cuisses. Et oui il est ajusté, le justaucorps. Parce qu'elle vit dans les bois. Et qu'elle veut bien faire des concessions, d'accord, mais pas sur sa liberté de mouvement, ni son efficacité quand elle travaille.
Donc, après Fémur-au-vent, Crampon-dans-la-clavicule se retrouve oint de la même pommade, qui dit en substance : "bouge pas où tu vas te faire du mal, crétin", mais en bien plus diplomate. Elle a vérifié que les attelles qui maintiennent sa fracture de l'avant-bras (oui, un malchanceux, ce Crampon) ne sont pas trop serrée, rajuste l'écharpe qui soutient le montage de charpie, de lattes de bois et de bandes d'étoffe. Et passe au suivant après lui avoir fait boire un bol de tisane d'écorce de saule bien forte. Elle en a remis une provision aux servantes, avec les explications pour les utiliser, la fréquence, etc. Et elle a veillé à ce que le guerrier qui veille sur ses compagnons ait entendu aussi... les servantes avaient l'air modérément futées. a son regard il a compris. Mais bien évidemment il était exclu de lui donner les instructions à lui. Par contre, il veillera probablement à ce qu'elles soient respectées, ça c'est conforme à son rang.
Foutus ronds-de-jambe à la noix... Quelle perte de temps et d'efficacité... Enfin soit...
Sept-Doigts a l'air de se faire à l'idée que sa main du bouclier sera plus légère de quelques grammes... ses plaies sont saines, et la douleur a l'air tolérable. Elle dépose près de lui une petite jarre d'un baume analgésique assez fort. Alaric, au village en a reçu un plein seau... Les amputés ont parfois des douleurs horribles pendant la cicatrisation, et même après... Elle se souvient de Rod... C'est pour lui qu'elle a travaillé sur ce baume, il devenait fou à hurler... Mais il est au point maintenant, et très efficace. Les côtes de Sept-Doigts ont l'air d'être restées plus ou moins en place, elle refait quand même le bandage tout en le félicitant d'être aussi raisonnable, à voix assez haute pour que ceux qui ne le sont pas regardent ailleurs avec un petit air coupable. Tandis qu'elle examine Presque-Eunuque et son entaille à l'aine, elle sent un poids en moins à sa ceinture. Le furet. Un roucoulement à son côté, elle fixe les hommes avec anxiété. Mais non, ils accordent un regard curieux, voire un peu amusé, à l'animal qui les regarde tranquillement de ses petits yeux en goutte d'encre. Quelques minutes plus tard, elle a replongé sur l'entrejambe de son patient, tandis que l'animal gambade du côté du suivant de ses messieurs qui l'asticote en souriant.
La plaie de Presque-Eunuque est moins profonde que celle de son compagnon, mais assez mal située. Personnellement, elle se fiche bien de devoir lui demander de pousser un peu ses génitoires pour lui permettre de nettoyer la blessure, un peu trop enflammée à son goût. Mais ça a l'air de le troubler un peu, lui. Alors elle accélère le mouvement, histoire de lui éviter l'humiliation de devoir demander une main supplémentaire à son voisin pour contenir son... enthousiasme. Enfin encore une chance qu'il lui reste de quoi se montrer enthousiaste. La blessure correctement pansée, elle s'éloigne juste à temps pour qu'il rabatte sa tunique sur l'objet du délit. Elle lui recommande la même prudence dans ses déplacements que son collègue, la voix neutre, un sourire tout aussi neutre sur le visage, l'expression de quelqu'un qui n'a absolument pas remarqué que sa proximité et son contact avaient provoqué quoi que ce soit comme réaction. Très fière d'elle, vraiment. Surtout quand elle surprend le clin d'oeil que le voisin adresse au malheureux Presque-Eunuque et qu'elle l'entend, lui, étouffer un gloussement, signe que la gêne de l'instant est au moins désamorcée.
Quand-Même-Beau a l'air de bien s'entendre avec le furet. Elle s'apprête à éloigner l'animal, souriante, malgré ses caquètements de protestation, histoire d'avoir le champs libre. Elle doit aider le garçon à ôter sa tunique, pour commencer par la blessure du bras. Ensuite, ce sera celle du flanc, puis enfin, la longue balafre qui lui traverse le visage. Mais elle n'a pas le temps d'atteindre son patient suivant, une rumeur lui fait tourner la tête. Car voici qu'entre Deux-Nombrils.
Elle s'incline, nettement, pas trop vite, pas trop lentement. Il ne s'agirait pas que ça sente trop la contrainte.
- Seigneur. Je suis ravie de voir que ta blessure ne semble pas te faire souffrir.
... et puis c'est tout. Déjà parce qu'elle ne voit pas quoi lui dire d'autre. Et ensuite parce qu'elle n'est pas venue là pour briller par l'élégance de sa conversation. Elle hésite. S'occuper de son patient suivant c'est lui tourner le dos. Connaissant ce qu'elle connaît du bonhomme, il serait fichu de trouver ça insultant. Donc elle attend un peu. La prudence est mère de la longévité. Ou quelque chose dans le genre.
Dernière édition par Rowan le Jeu 15 Juil 2010 - 13:21, édité 1 fois |
| | | Ragnar Herteitr Jarl
Messages : 1486
| Sujet: Re: Le retour de la guérisseuse Jeu 15 Juil 2010 - 13:17 | |
| Le jarl ressent une bouffée de satisfaction. En net progrès, Rowan. Elle commence à apprendre les rudiments de la politesse. Enfin, ce que la plupart des gens appellent "les rudiments". Pour lui, c'est déjà la totalité. Question de point de vue. Il est ravi, mais n'en laisse rien voir. Ravi aussi de la tenue de la guérisseuse. Pas habillée trop court, mais des vêtements moulants qui laissent déjà beaucoup deviner de ses formes. Mais pas trop tout de même. Il laisse courir un instant son regard sur ses cuisses musclées. Vision revigorante s'il en est. Il cesse rapidement son examen. D'abord parce que passer trop longtemps à essayer de traverser du regard les vêtements de Rowan serait inconvenant de sa part. Ensuite parce que cela détournerait ses pensées vers des odeurs de sous-bois, de hautes herbes, des images d'union sauvage et primitive.
Le guerrier comprend la question implicite. "Maintenant que j'ai pris note de ta présence, me laisseras-tu retourner à mon travail ?" Il garde le silence une demi-seconde. Moins, et il amoindrirait cette petite victoire. Plus, et il attaquerait de front la fierté déjà sensible de Rowan.
- "La douleur existe, mais elle est supportable. Grâce à tes soins, guérisseuse. Et il me semble que je vais bien. Mais je ne suis pas compétent en la matière".
Il pose sur Rowan un regard interrogateur. Quels que soient leurs rangs respectifs, l'une possède un savoir que l'autre n'a pas. Tous deux le savent, et savent donc à qui revient la décision.
- "A toi de décider s'il est utile de m'examiner à nouveau ou non... " conclut Ragnar. Juste au cas où elle serait moins subtile qu'il ne l'a cru. "Je serai dans mes appartements. En attendant... occupe-toi des blessés les plus urgents en premier. Je ne crois pas en faire partie. Une fois que tu en auras terminé, tu peux partir ou venir me voir dans mes appartements, selon ce que tu juges bon"
Quelques années plus tôt, comme tous ses hommes, il se serait fait examiner au milieu de la cour, laissant ses hommes se moquer des traces d'ongles de femme dans son dos. Mais cette époque est révolue. Et les hommes le pressentent, pour la plupart.
Avec un bref salut, Ragnar repart. Il ne veut pas distraire Rowan dans sa tâche. Et soigner les hommes d'un seigneur en sachant que ce dernier est présent peut être... assez angoissant. Surtout vu la réputation de Ragnar. Dans le cas improbable où elle en ait entendu parler. Mais cela reste possible. C'est pourquoi il tourne les talons et retourne dans ses appartements. En réalité, il est absolument convaincu que sa blessure est sans gravité. Sans être spécialement compétent en la matière, il a vu son lot de blessures. La sienne est saine et cicatrise très bien. Sans compter qu'il a toujours cicatrisé vite. Il se sent déjà bien plus en forme que la veille malgré ses excentricités de la nuit. Et si un organe interne avait été atteint, il serait déjà mort. Donc il n'est pas inquiet. Simplement, il veut savoir si Rowan va céder à cette attirance étrange qui s'établit de temps en temps entre eux, par-delà les différends et les différences de rang. Si elle va venir. Et, surtout, si elle vient, si c'est la guérisseuse, la femme, ou les deux, qui va pousser la porte de sa chambre. La proposition de manière à ne pas user de contrainte ou susciter des rumeurs malvenues.
Sans considérer la suite des évènements comme un instant de vérité, Ragnar espère au moins obtenir quelques réponses à des questions qu'il se pose...
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| | | Rowan Altenberg
Messages : 110
| Sujet: Re: Le retour de la guérisseuse Jeu 15 Juil 2010 - 13:18 | |
| A partir du moment où il ne pose pas de question, elle ne se sent pas tenue d'apporter de réponses. Elle se contente d'acquiescer quand il lui enjoint de s'occuper des cas les plus urgents, c'est à dire des autres. En vérité, l'urgent est déjà fait, Quand-Même-Beau pourrait attendre, mais elle est là, elle va d'abord s'occuper de lui. Et puis elle n'a aucune envie de montrer quoi que ce soit qui puisse passer pour de l'empressement vis-à-vis de Ragnar. Comme il l'a suggéré, elle sait ce qu'elle fait, personne ne viendra donc trouver à redire à l'ordre dans lequel elle décide d'examiner ses patients.
Mais tout de même, il l'énerve. Aucune idée d'un début d'explication, mais il l'énerve, c'est comme ça. Il suffit qu'il dise quelque chose pour qu'elle ressente l'irrépressible envie de dire exactement le contraire.
Trois blessures à traiter, ça prend ce qu'il faut comme temps, ni plus ni moins. Il faut lui laisser celle honnêteté-là qu'elle ne fait pas traîner les choses. C'est le genre de mesquinerie qui... oui bon, elle y a pensé. Mais elle ne l'a pas fait. Elle donne quelques recommandations aux servantes concernant le renouvellement de la couche de baume cicatrisant sur la plaie au visage, insistant sur l'application des feuilles qu'elle a laissé en petite provision, qui doivent couvrir la blessure. Le soleil pourrait la marquer davantage. Et ce serait dommage. Ensuite, elle s'adresse le plus respectueusement possible à l'homme posté là, et lui demande s'il lui serait loisible de faire prévenir les hommes à l'entraînement qui souhaiteraient qu'elle jette un coup d'oeil à leurs blessures. Certains d'entre eux sont parfaitement valides, mais une plaie de la veille doit quand même être ménagée. Ces types ont une fierté démesurée, capables d'aller mouliner de la hache avec un cran dans le bras, et puis de rigoler parce que ça saigne, et puis...
... et puis on s'inquiète parce que la plaie rougit et suppure et puis on se dit qu'on n'aurait pas du, mais c'est trop tard.
Elle soupire son agacement tout en gravissant les escaliers derrière une servante, la besace à l'épaule, le furet sur les talons. La bestiole semble parfaitement détendue dans cet environnement pourtant très inhabituel pour elle, et cavale sur le dallage, courbe sinueuse de fourrure beige, en faisant frémir la servante qui doit trouver que ça ressemble définitivement trop à un rat qui aurait des poils sur la queue aussi. Rowan sourit dans le dos de la fille en captant son énième petit cri nerveux. Le palier se rapproche, et elle cesse de sourire. Un certain malaise vient s'installer du côté de son estomac, diffus, sournois... Elle n'est pas à l'aise avec lui, ça elle le sait déjà. Et ce sera la première fois depuis son intrusion dans sa clairière qu'elle se retrouvera seule avec lui, avec la différence notable qu'alors elle ignorait qui il était. Quoique, avec un peu de chance, la petite esclave sera là.
La servante frappe un coup discret à la porte, l'ouvre à la réponse, glisse quelques mots et la moitié d'une épaule par l'entrebâillement, puis file dans le couloir, laissant la porte à moitié ouverte, après un regard torve à Rowan et carrément haineux à son compagnon velu.
Je suppose que ça signifie que je peux entrer.
Elle hausse les épaules et grimace d'un air contrarié en fixant le dos de la fille, puis se compose rapidement une expression neutre, et pousse la porte, un rien alarmée de remarquer que le furet a lui déjà franchi le seuil et roucoule un salut plein de familiarité au Seigneur de l'île. Elle se mordille la lèvre inférieure, rappelle le petit monstre à l'ordre d'un sifflement bref entre les dents, et d'un ordre sec. Il s'en fout, ce petit saligaud. En tout cas pendant une seconde et demie, il s'en fout, et ne consent à revenir vers elle qu'avec une lenteur pleine d'effronterie. Sale bête.
- Toutes mes excuses Seigneur. Il est très mal élevé.
Plus que moi encore. Comme quoi c'est possible.
La bestiole entreprend de lui escalader la jambe en spirale, comme à son habitude, mais elle l'intercepte un peu plus haut que le genou, la pose à côté du pied du lit, claquement de doigts au sens très clair, pas bouger. Puis elle se redresse avec l'expression résignée de quelqu'un qui sait qu'elle sera désobéie dans un laps de temps indéterminé, mais probablement bref... Elle va poser sa besace sur une table près d'un grand fauteuil de bois, en sort un flacon bouché, un pot de terre et de quoi confectionner un bandage propre. Puis elle fait face à Ragnar, l'expression neutre, du moins l'espère-t-elle. LA petite esclave n'est pas là. Ils sont seuls.
- Préfères-tu t'allonger, Seigneur ?
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| | | Ragnar Herteitr Jarl
Messages : 1486
| Sujet: Re: Le retour de la guérisseuse Jeu 15 Juil 2010 - 13:24 | |
| Bien sûr qu'il préfère s'allonger. "Seigneur" ? Il a peut-être rêvé, mais il lui a semblé sentir une certaine sincérité, un certain naturel dans le ton lorsque Rowan lui a donné son titre. En se dirigeant vers le lit pour s'y étendre, il note la tempête de joie et de curiosité que le furet répand dans la petite pièce en même temps que ses poils. La bestiole semble lui prêter un certain intérêt, tournoyant autour de lui, se rapprochant puis s'éloignant à nouveau, testant la distance... "Tu finiras bien par y venir" songe Ragnar en enlevant sa tunique. Il éprouve un léger tiraillement en levant les bras mais ce n'est rien, vraiment rien, comparé à ce que c'était la veille encore.
Un claquement de doigts de Rowan immobilise le furet. Temporairement, très temporairement, sans doute. Et le silence se fait.
C'est une curieuse confrontation. Oui, presque une confrontation. Lui se tenant face à face avec Rowan, lui torse nu, pas grand mais ressentant que sa présence a une certaine densité. Elle, vêtue de vêtements qui moulent superbement ses formes, qui le regarde... Il semble au jarl que le noir dans le disque noir dans les yeux de sa serve est plus grand qu'il ne le devrait vu la lumière. Il ressent aussi la force et l'ardeur de la guérisseuse. Comme une sorte de feu en elle.
Ils se fixent quelques instants, la tension montant doucement entre eux, intense mais pas désagréable. Ragnar sent précisément le point où le duel d'orgueils va se muer en une joute beaucoup plus physique, et plus agréable. Il fait un pas vers Rowan, allonge un bras vers sa poitrine. Mais le furet passe en un tourbillon beige, interrompant le mouvement. Ragnar éclate de rire, rompant l'instant. "C'est un animal étrange que tu as là, guérisseuse, déclare-t-il avec un grand sourire. Tu vois... dit-il en pesant soigneusement ses mots. Son insolence est amusante, mais elle peut être gênante dans certaines situations. Difficile de dire si cette bestiole est irritante, attachante ou les deux à la fois. A-t-il un nom ?"
Il s'allonge tout en écoutant la réponse de la guérisseuse. Bien sûr, ses mots ont été choisis avec soin, et n'avaient rien d'innocents. Rowan se rend-elle compte à quel point le caractère du furet et le sien sont proches ? La curiosité de Rowan étant tempérée par sa méfiance vis-à-vis de ses congénères, bien sûr. Lorsqu'elle s'avance pour examiner sa plaie, il sent son abdomen se crisper malgré lui. Non pas qu'il ait peur. Mais il subsiste encore un peu de cette tension qui l'a poussé dans les reins, l'espace d'un instant, vers une étrange fille qui vit seule dans les bois. Les mains se posent sur son ventre, chaudes et réconfortantes, relativement propres vu les tâches qu'elle a probablement accomplies avant de venir le voir.
"Je connais un peu les blessures. Je pense que celle-ci cicatrisera sans problèmes, déclare Ragnar en posant la main sur son ventre, à l'endroit de la plaie. J'ai toujours cicatrisé très vite." Mais bien sûr, par une coïncidence si inouïe qu'on aurait du mal à ne pas y voir un acte délibéré, il posé sa main juste après celle de Rowan. Recouvrant donc la main fine et ferme posée sur son ventre dans sa grande paluche large et calleuse. Et, par un hasard plus énorme encore, il a pressé la main de Rowan en la fixant dans les yeux. Ses pupilles se sont-elles encore agrandies ? Elle n'a pas encore réagi, mais ce peut être la surprise, comme la crainte. Ou l'acceptation de son contact, bien sûr. Une douce chaleur commence à monter dans ses reins. L'instant ne dure qu'une fraction de secondes, avant qu'il ne relâche ses doigts et ferme les yeux, sa main temporairement inoffensive glissant contre son flanc.
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| | | Rowan Altenberg
Messages : 110
| Sujet: Re: Le retour de la guérisseuse Jeu 15 Juil 2010 - 13:26 | |
| Evidemment que ça lui fait quelque chose. Comment ça évidemment ? Elle vient d'en voir trois ou quatre autres, des hommes lui dévoilant diverses parties de leur anatomie, pas moins bien faits que celui-là, et elle n'a rien ressenti d'autre que le souci de savoir si leurs plaies étaient saines. Pourquoi est-ce que c'est différent ? Bon sang, elle vient de travailler la joue à presque rien de l'érection difficilement contenue d'un pauvre gars tellement embarrassé qu'il ne savait pas si il devait essayer de la plier en quatre ou bien d'y foutre le feu, et ça lui a juste donné envie de sourire. Lui, il ôte sa tunique, et elle essaie de se forcer à regarder ailleurs. Ce qui est très étrange aussi, d'ailleurs, le pansement est là, haut de l'abdomen, à gauche, alors pourquoi regarder ailleurs ? C'est incompréhensible. C'est énervant. Encore plus énervant de remarquer qu'il a remarqué quelque chose. Ca se voit. Ses yeux.
Ses yeux se foutent de ma gueule. Ou bien... Non mais quelle idiote aussi, de regarder ses yeux.
Il allait se passer quelque chose. Un quelque chose indéterminé, mais palpable. Et c'est ce petit con de furet qui a rompu le charme. Elle ne sait pas si elle est déçue ou soulagée. Les deux, probablement. Difficile à imaginer, comme sentiment. En plus il rit, et ça n'arrange rien. Il lui court le long de la colonne vertébrale, son rire, de la nuque au creux du dos. Il lui agace la peau. C'est... énervant. Très.
Elle n'est pas idiote, bien loin de là. Quand on parle d'un animal en employant des qualificatifs pareils, et en plantant dans le visage de son interlocutrice ces... putain de foutus yeux bleus pleins de sourire, de moquerie et de défi, il faudrait être la dernière des cruches pour ne pas comprendre. Il se détourne à demi pour aller s'allonger, voilà qui lui laisse un moment pour se reprendre. Elle a son matériel à apporter près de lui pour s'occuper les mains. Et la réponse à sa question pour s'occuper l'esprit. En se concentrant sur la fin.
- Il en a toute une série, de noms... Au début c'était Petit Veinard. Depuis, la plupart du temps, c'est Miel. Quoiqu'il écope régulièrement de Chapardeur, Sale Bête, Fainéant... Dégage, souvent aussi, ou Arrête-de-me-Courir-entre-les-Pieds-Crétin-d'Animal...
Elle regarde la bestiole qui se roule voluptueusement dans une flaque de soleil, roucoulant de délices. Un agacement certain dans sa voix bourrue, mais un pli de tendresse dans son sourire...
- Et c'est elle, au fait... non pas que ça change quoi que ce soit... Ni que ça puisse être considéré comme un élément déterminant de son comportement, n'est-ce-pas, Seigneur ?...
Petit persiflage glissé d'une voix dont l'innocence sonne sciemment faux. Elle ne le regarde pas directement, elle a le sourire qui la chatouille et qui risquerait d'exploser, et ce genre d'échange de plaisanteries lui semble déjà dépasser, et de très loin, les recommandations de son père...
Il s'est allongé sur une pile d'oreillers, le buste à moitié redressé, parfait comme position pour bénéficier de la lumière. Un peu trop vers le milieu du lit, et il lui faut poser une fesse à côté de sa jambe pour atteindre commodément la plaie. Mais elle vient de s'installer pareillement sur le rebord du lit de trois autres patients, et ça n'a posé aucun problème. Et puis elle ne va quand même pas aller s'étaler et travailler à l'aveuglette juste pour ménager la couche seigneuriale. Elle remonte le bord du justaucorps de peau, révèle la sangle et les petites lames qui étaient fixées à même sa cuisse hier. Sans même penser qu'il pourrait considérer ça comme menaçant, elle sort l'une des lames, tranche les peaux et les bandes d'étoffe du pansement de la veille, range la lame à sa place sans y penser. Elle est passée à un autre mode de réflexion, le seigneur est au second plan, il est l'hôte d'une plaie, à présent. Plaie qu'elle découvre délicatement, sur laquelle elle se penche, attentive, les mains posées à plat de part et d'autre pour "sentir" le corps là où il est sain. Une habitude. Ensuite elle se rapprochera, touchera les abords de la plaie, si la chair est dure, trop chaude, si quelque chose l'alarme dans le contact elle...
... relève les yeux. Son attention brusquement détournée, elle se surprend à nouveau à regarder son visage, à écouter sa voix débiter des informations dont elle n'a pas besoin, et il le sait sans doute. C'est le ton de sa voix qui surprend. Sa chaleur. Et elle se retrouve un instant piégée à la fois par leurs regards qui semblent s'être solidement noués, et par sa main prise entre lui et lui, chaleur dessous du corps vivant, chaleur dessus, peau plus rude, poids atténué, sa main doit peser plus lourd que ça quand il l'abat vraiment pour immobiliser quelque chose.
Elle n'a pas bougé, du tout en fait, elle a même arrêté de respirer. Quoique, si, elle a légèrement bougé, mais c'était infime. Et indéfinissable. Une vague flexion du poignet. Ca lui a fait penser à la façon dont le furet s'arque quand elle lui chatouille la nuque, un peu comme les chats. On dirait qu'il ne peut pas s'en empêcher. Elle non plus. C'est... énervant ? Non, pas vraiment. Déplaisant ? Oh non... Peut-être juste trop bref.
Il rompt le contact, laisse glisser sa main et ferme les yeux. Soit il la laisse se reprendre, et elle l'en remercie, soit il ne se doute pas de l'effet qu'il produit sur elle... et ça c'est trop improbable pour être envisagé...
Mais tu as autre chose qui t'attend comme préoccupation, Rowan. Tu es ici pour soigner une blessure, tu te souviens ?
Elle prend une longue inspiration, s'accorde une seconde d'obscurité, elle aussi, paupières abaissées. Puis elle reprend son travail, cherchant sa concentration brisée, et la retrouvant sans trop de difficultés. Ses mains glissent plus près de la plaie, appuient très doucement, tâtent... Elle a déjà repéré le point du bas, cerné de rouge, enflammé. Grognement désapprobateur. Les doigts légers, elle palpe les contours de la plaie. Ailleurs ça va. C'est juste ce point du bas.
- Tu cicatrises vite... et du coup quand une guérisseuse te dit de ménager ta plaie tu ne l'écoutes pas, Seigneur. Et ça, c'est mal. Je n'aime pas faire souffrir mes patients, mais là je crois que tu le mérites...
Elle a parlé d'une voix vague, concentrée, tandis qu'elle tâtait très délicatement la zone enflammée, fronçait les sourcils, grimaçait brièvement, soucieuse... mais avant qu'il ne prenne mal ce qu'elle vient de dire, elle relève les yeux, les charge d'une angélique innocence tout aussi factice que tout à l'heure. Et de son plus charmant sourire.
- Bien évidemment, c'est pour ton bien, Seigneur. Je n'y prendrai aucun plaisir. Vraiment.
Toujours aussi vite parce qu'elle sent qu'elle abuse, elle reprend son sérieux et lui désigne la preuve de son délit, d'un doigt effilé, yeux détournés, comme si il était inconcevable qu'il puisse le prendre mal, évidemment, voyons...
- Regarde... les trois autres vont bien, mais pas celui-là, il est gonflé, rouge, et chaud, il faut apaiser ça, sinon ça va se communiquer aux autres. Rien de grave évidemment, enfin à ce stade-ci. Mais tu devrais vraiment me croire, Seigneur, quand je te dis d'épargner ton ventre...
Elle le gronde un peu, mais elle sourit. Elle songe à la jolie petite chose qui l'attendait hier dans ses appartements, comme il le lui avait demandé... et comprend qu'il ne se soit pas épargné outre mesure...
Ca suffit, Rowan. Ca ne te regarde pas. Et défense de rougir. Et défense d'avoir envie de rire aussi, surtout que c'est nerveux, et qu'en plus ça t'a pincé le ventre d'une manière plus désagréable qu'autre chose. C'est énervant cette manie de faire le contraire de ce que tu aurais envie de faire.
- Bon, ça va piquer. Mais tu en as sûrement connu d'autres...
Frôlement du doigt sur une autre cicatrice, un peu plus haut, à hauteur des côtes. Allusion au fait qu'il a eu bien mal avec celle-là aussi, probablement, et que son traitement ne sera rien pour un gaillard solide comme lui. Ou prétexte. Comme elle se lève immédiatement le contact se fait au passage, presque sans en avoir l'air. Et juste après elle est deux pas plus loin, et fouille dans la musette. Elle en sort un bol de bois dur et un pilon, une bouteille de grès, et une autre petite jarre. En quelques gestes elle a pêché dans la jarre une noix de pâte couleur de cire, puis elle débouchonne la bouteille et ajoute une rasade d'un liquide clair qui sent vigoureusement le vinaigre et l'ail. Elle revient vers lui, le bol niché dans une main, travaillant sa mixture d'une main visiblement experte. Un regard d'excuses, le sourire tordu par une petite grimace, quand elle se réinstalle...
- Oui, j'oubliais... Ca pue. Mais moins qu'une plaie infectée. |
| | | Ragnar Herteitr Jarl
Messages : 1486
| Sujet: Re: Le retour de la guérisseuse Jeu 15 Juil 2010 - 13:27 | |
| Enfer, oui, ça pue ! Ça pique un petit peu. Modérément. Mais l'odeur pourrait assommer un cheval. Le frôlement de la main sur ses côtes est agréable. Elle effleure une cicatrice sur sa poitrine. Un trait oblique de deux pouces. Un coup de hache qui a percé sa cotte de mailles et cassé deux côtes. Une blessure de plus. Aucune cicatrice dans le dos. Pour la plus grande fierté du jarl. "Jamais je n'ai tourné le dos à mes ennemis". Il grimace légèrement. Le sourire sur les lèvres de Rowan s'élargit. Il repense à sa petite phrase assassine. Enfin, l'une de ses nombreuses petites phrases assassines. Et il sait qu'elle va y repenser aussi. Qu'a-t-elle dit, au juste ? "Je n'aime pas faire souffrir mes patients, mais là je crois que tu le mérites" ? Quelque chose du genre. Une telle insolence est irritante mais aussi excitante. Tout seigneur a besoin qu'on s'oppose à lui, un jour ou l'autre. Sinon, il devient faible. Et pire, aveugle. Enfin, s'il laisse un tel comportement se développer, cela lui sera préjudiciable. Il va falloir riposter, mais en douceur. Tout bon guerrier qu'il soit, Ragnar essaye en général de ménager l'orgueil des guérisseurs. Histoire d'éviter qu'ils soignent les blessures avec du gros sel. Question de bon sens. Il garde le silence quelques instants, pendant que Rowan étale la pâte, ses yeux faisant l'aller-retour entre sa plaie et son propre regard. Enfin, sa plaie... Son égratignure. Bon, d'accord, une grosse égratignure. Mais bon, aucun risque d'infection. Soit elle vient pour le simple plaisir de sa compagnie, soit pour l'empêcher de faire des bêtises. Peut-être les deux à la fois. Du coup, il la soupçonne de n'étaler sa pâte nauséabonde que par jeu. Mais il s'y prête, pour l'instant. D'abord parce que ce n'est qu'un soupçon. Ensuite parce qu'il sait qu'il y aura d'autres occasions. Un grand sourire fend son visage en deux. Rowan le fixe, puis détourne le regard, un peu précipitamment. "Nous sommes des gamins, déclare Ragnar, qui jouons à des jeux stupides. Mes hommes et moi qui rions lorsqu'on nous coupe la jambe. Enfin, si on n'y arrive pas, au moins on essaye. Toi, qui joues de ton statut de guérisseuse pour venir titiller notre orgueil puéril en même temps que tu nous soignes... Et moi, qui trouve ça plutôt amusant. Je dirais même... stimulant. Et je suis comme toi, poursuit-il avec un sourire qui ôte toute menace de tes paroles. Je n'aime pas faire mal à mes sujets, sauf s'ils l'ont mérité". Rowan rougit légèrement, finit d'étaler sa mixture. Pendant ce temps, Ragnar asticote le furet qui s'est enfin décidé à venir à portée de main. Après trois esquives foudroyantes, la bestiole a fini par comprendre que le guerrier avait mangé récemment et n'allait donc pas en faire son dîner. Et il, pardon, elle, se laisse enfin caresser la fourrure. Enfin, pas longtemps, il ne faut pas exagérer. Il a un grand sourire lorsque Miel, ou quel que soit son nom, se roule sur le dos pour se faire gratter le ventre, les yeux fermés de délice. "Tu devrais arrêter de te contorsionner si tu veux que je puisse te soigner", le gronde Rowan. Le furet, alarmé par le ton de voix, se relève et repart dans ses cabrioles. "Il a l'air d'aimer ça", dit Ragnar, les yeux pétillants de malice. Crochant les doigts, il les rapproche du ventre de Rowan, faisant mine de le lui gratter, avec un immense sourire de gamin. Il laisse ensuite s'écouler un moment. Quelques secondes, durant lesquelles il savoure la gêne de Rowan. Il sait. Elle sait qu'il sait. Et il sait qu'elle sait qu'il sait. . Enfin bref. Mais sait-elle, pour lui ? Pas sûr. Elle ne doit pas en savoir beaucoup sur les attitudes qu'on les hommes et les femmes pour exprimer leur attirance. Puis il reprend son sérieux. "Je vais très bien, Rowan. C'est vrai que j'ai été idiot. Mais j'avais d'excellentes raisons de l'être, crois-moi. Je t'expliquerai tout ça en détails un autre jour, si tu veux, quand je serai plus en forme". Un autre sourire pendant que Rowan se compose une expression neutre. Le jarl compte les points dans sa tête. La séance de thérapie par les parfums devrait bientôt se terminer. Enfin, il l'espère... L'odeur est si intense que le guerrier a l'impression qu'on lui enfonce des morceaux d'ail au vinaigre dans les narines avec un gros marteau... Soit que le parfum soit vraiment fort, soit que ses sens soient anormalement exacerbés...
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| | | Rowan Altenberg
Messages : 110
| Sujet: Re: Le retour de la guérisseuse Jeu 15 Juil 2010 - 13:28 | |
| Elle l'écoute parler de jeux stupides, et un sourcil nettement levé témoigne de la confirmation qu'elle apporte à la première partie de son discours : oui, ce sont des gamins, et oui, ces jeux sont stupides. Par contre son expression se modifie quand il sous-entend qu'elle se sert d'un quelconque statut pour usurper le droit douteux de les asticoter sur leur orgueil. Mais elle se tait dans l'immédiat, surtout quand il lui retourne sa plaisanterie avec la parfaite aisance de celui qui sait avoir, effectivement, tout pouvoir de faire du mal. Que ce soit mérité ou pas.
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Elle pique du nez sur la plaie, et continue à l'enduire de pâte malodorante, surprise malgré elle qu'il réagisse aussi peu... d'habitude ceux à qui elle applique ce traitement beuglent à lui en péter les tympans. Mais après tout c'est un guerrier. Il connaît la souffrance. Et puis, très probablement, il tient à conserver une dignité dont les serfs du village n'ont que faire, eux. Elle essaie de ne pas titiller les fibres qui dépassent des noeuds, elle sait par expérience que c'est terriblement sensible. Mais il ne lui facilite pas les choses, à jouer ainsi avec le furet à cours après moi que je t'attrape. Elle finit d'ailleurs par lui adresser une petite remarque, la voix à nouveau bourrue, presque désagréable.
Evidemment qu'il aime ça. Cette bestiole est une vraie catin, il ne lui faut pas trois minutes pour se vautrer les pattes en l'air et donner son ventre à n'importe qui.
C'est là que s'arrête l'analogie. Elle veut bien être irritante et/ou attachante, elle veut bien être mal élevée et indisciplinée. Mais on ne l'étale pas sur le dos si facilement. Elle esquive son geste, et elle esquive aussi son sourire et son regard moqueur. Ca ne l'amuse pas. Ca lui fait même mal, tout d'un coup, et ça l'étouffe, ces murs fermés et ces conventions rigides et cette nécessité de se corseter d'une courtoisie de façade et d'un respect qu'elle n'éprouve pas. Elle veut retourner dans la forêt. Au plus vite. Et pouvoir être elle-même sans se soucier du regard de qui que ce soit, du jugement de qui que ce soit sur sa manière de parler, de s'habiller, de se tenir ou même de regarder les gens. Elle veut la paix. Elle en a sa dose, de ses soi-disant semblables, sa dose et même un peu trop.
Il reprend ses taquineries et elles la blessent. Elle se fout de ses raisons, ça ne la regarde pas, quant aux détails, il peut s'asseoir dessus. Quoiqu'il soit probable que la manoeuvre ait été inversée, en l'occurrence.
- Je te remercie de veiller à m'instruire, Seigneur. Mais tu auras sûrement bien plus important à faire quand tu seras rétabli, et même avant. Je m'en voudrais de gaspiller ton temps précieux pour quelque chose d'aussi inutile.
Elle a fait un effort presque surhumain pour garder une voix posée, neutre, aussi courtoise que possible. Alors qu'au fond elle a envie de lui balancer à la gueule qu'il peut bien se taper toutes les putains de l'île et d'ailleurs jusqu'à ce qu'à force de pilonner de la gueuse sa peau cède et que ses boyaux se répandent, elle elle s'en contrefout. Après tout les seigneurs se suivent et se ressemblent en ça, ils sont tous pareillement gros consommateurs de viande de femme.
Elle plaque sur la plaie enduite de pâte collante un carré d'étoffe fine, puis un autre plus grand, plus épais, pour couvrir l'ensemble. Puis elle prépare deux rouleaux de peau souple et un autre de toile.
- Pourrais-tu te redresser et t'asseoir, Seigneur ? C'est presque terminé.
Est-ce pour elle ou pour lui qu'elle dit ça ? Aucune idée et peu importe. Elle s'est levée pour lui permettre de pivoter et de s'asseoir au bord du lit. Elle démarre le bandage avec la toile, passe le rouleau derrière son dos à trois reprises, en essayant d'ignorer la position que l'opération la contraint adopter, courbée sur son ventre et lui enlaçant la taille des deux bras. Sa joue frôle sa poitrine, elle sent même à un moment la chatouille agaçante des poils qui lui tapissent le sternum. Elle coince enfin l'extrémité de la bande de toile sous la spire précédente, avant de renouveler la manoeuvre avec la plus longue des bandes de peau. Large et élastique, elle maintiendra le bandage en place, sans trop serrer. Vu la longueur de la bande, elle doit se glisser sous son bras pour finir son travail et fixer le bout de peau à l'aide d'une petite agrafe de métal. Et enfin elle se redresse et s'éloigne, emportant l'autre bande qui ne lui a en fin de compte pas servi, et le bol vide.
- Voilà. Essaie de le garder en place jusqu'à demain soir, ensuite tu pourras l'enlever, je pense. Les noeuds risquent de tirailler et de gratter quand la cicatrisation avancera, n'y touche surtout pas, ça enflammerait inutilement la plaie. Si ça te démange trop, cette pommade te soulagera, et je te laisse cette bande si tu préfères éviter que tes vêtements frottent sur les bouts de fils. En principe, dans trois jours je devrais pouvoir les enlever. Puisque tu cicatrises vite.
Tout en parlant, elle enfourne dans sa besace les pots et flacons qu'elle en a sorti, laisse la bande de peau sur la table, et pose à côté un petit pot fermé d'un bouchon de bois. Elle ne le regarde pas. Ses mots sont neutres, précis, détachés.
- Si tu remarques quoi que ce soit d'alarmant, n'hésite pas à me faire appeler. De toute façon je devrai revenir tous les jours pour l'homme à la cuisse ouverte. A ce propos, Seigneur...
Elle se retourne pour lui parler, cette fois. Elle ne sourit pas. Elle a juste l'air lasse, un peu abattue, désireuse en tout cas de rentrer chez elle... Mais sa voix reste claire.
- Une fois guéri, il devrait pouvoir marcher sans boiter, mais il aura des difficultés à courir. Pire, s'il ne suit pas mes recommandations. J'ai du lui faire un peu peur aujourd'hui, en lui disant qu'il risquait de perdre ses qualités de guerrier. Ce qui est vrai, pour autant que je sache... J'ai cru comprendre que c'était important pour les tiens, de finir sa vie en combattant, et non en infirme relégué aux tâches sans gloire. Je crois qu'il a compris, mais comme tu l'as dit, Seigneur... c'est un jeu, faire celui qui ne souffre pas et qui se moque de ses blessures.
S'il joue à ce jeu-là, il sera perdant. Il m'a semblé comprendre la gravité de son état, mais qui sait... après tout je ne suis qu'une femme sortie d'une forêt, et je ne sais rien de la guerre. Mais toi tu es son chef, et il respecte tes mots plus qu'il ne respectera jamais aucun des miens. Je pense qu'il serait bon que tu lui parles, Seigneur... Si tu tiens à lui. Ce n'est pas un jeu... Pas toujours.
Elle a baissé la voix sur la fin, consciente une fois de plus qu'elle outrepasse les droits d'une serve, mais qu'y peut-elle ? Pour autant qu'elle puisse en juger elle est seule ici à détenir ce savoir, et cela implique pour elle d'autres obligations que celle de quitter la quiétude de sa clairière pour venir étaler des pommades ou éponger du sang. On lui confie des vies. Elle doit mériter cette confiance. Personne ne lui a jamais rien dit de tel ni ordonné quoi que ce soit. Et c'est un sentiment dont elle se passerait bien, et comment, elle donnerait beaucoup à cette heure pour pouvoir partir, plonger dans les bois, marcher trois jours et être sûre que ce damné corbeau ne viendrait plus jamais l'emmerder. Plus jamais l'obliger à faire face à des gens qui s'imaginent qu'elle joue d'un pouvoir qu'elle ne mérite pas par la naissance, et qu'elle aime ça...
Réponds que tu lui parleras, que je puisse m'en aller tranquille... Je suis fatiguée de tout ça...
|
| | | Ragnar Herteitr Jarl
Messages : 1486
| Sujet: Re: Le retour de la guérisseuse Dim 1 Aoû 2010 - 20:20 | |
| Le visage du jarl s'est durci au fur et à mesure de la conversation. Sa tentative de détendre l'atmosphère n'a eu pour seul effet que de susciter l'agacement de Rowan. Et elle s'est refermée comme une huître. Oh, bien sûr, elle est restée polie. Elle a rapidement compris les règles. Mais il commence à la comprendre un peu, si tant est qu'elle soit compréhensible. Il sait qu'elle n'est plus vraiment là, plus avec lui. Enfin, son corps, si. Malgré le fumet du vinaigre qui commence à chauffer sa blessure, il ressent encore derrière l'odeur de sous-bois et d'animalité qu'elle émet. Mais son cœur est déjà parti dans sa forêt.
Il écoute les explications de Rowan sur l'homme à la cuisse ouverte. Elle a cessé d'être la femme pour redevenir la guérisseuse, ce qui l'ennuie passablement. Mais il faut un certain courage pour lui parler sur ce ton. Il sait qu'elle accomplit son devoir de guérisseuse en prenant des risques personnels, et ce comportement, il l'apprécie à sa juste valeur.
Il pousse un petit soupir. L'ambiance s'est sensiblement refroidie. Tant pis. Après tout, il n'est pas du genre à courir après les serves qui ne veulent pas de lui. Pas quand ce sont les siennes. Les autres lui opposent rarement un refus. Peut-être qu'elles le feraient si quelqu'un leur demandait leur avis mais... bref. Il répond d'un ton grave, se redressant de toute sa taille, à nouveau le jarl Ragnar Eiriksson.
"Je comprends. Je lui parlerai. Il restera tranquille, je te le promets. Et il utilisera une béquille pour marcher pendant quelques temps. Il détestera, mais il obéira. Et en parlant de béquille... L'homme qui a perdu une jambe par ma faute... Si je peux faire quelque chose pour l'aider... réfléchis-y. Je prends soin des miens. C'est notre façon d'être. Nous apportons notre soutien à ceux qui nous aident. Et la mort à ceux qui nous défient. Tu nous as aidé. Et je ne l'oublie pas. Souviens-t-en si un jour tu as besoin d'aide." Ce disant, il passe devant Rowan, lui tape sur l'épaule avant de sortir de la chambre. La tape est une grosse claque affectueuse du genre de celles qu'il échange avec ses hommes. Rien de tendancieux là-dedans. De toute manière, il a compris qu'il n'aurait jamais Rowan. Que personne, sans doute, ne l'aurait jamais. Certaines personnes sont comme ça, c'est tout.
"A bientôt, dit-il en se retournant. Quand tu auras de nouveau du travail, ou simplement, envie de notre compagnie". Cette flèche du Parthe est décochée avec un petit sourire ironique, qui laisse comprendre qu'elle n'a et n'aura jamais aucune attirance pour leur compagnie, et qu'ils le savent tous les deux. Mais dessous, perce une invitation, une main tendue. Voilà ce qu'il y a, aussi, dans ce sourire.
"Et si, malgré tout...."
Puis il se détourne et s'en va. Il a bien quelques regrets. Mais il a aussi et surtout des tâches. Une esclave à mater. Une cargaison volée à vendre. Des ordres à donner à un blessé. C'est sa vie, et il n'en veut pas d'autre. |
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