|
|
| Un retour attendu pour un départ imprévu (pv Sahnnâ) | |
| | Auteur | Message |
---|
Ragnar Herteitr Jarl
Messages : 1486
| Sujet: Un retour attendu pour un départ imprévu (pv Sahnnâ) Dim 9 Jan 2011 - 17:13 | |
| Ragnar Herteitr arriva à la tombée de la nuit, et confia sa monture fumante aux écuries, qui n'avaient rien d'exceptionnel, les Suéris possédant relativement peu de chevaux dignes de ce nom. Cependant, cela rendait les rares montures de qualité beaucoup plus précieuses. Puis il se dirigea d'un pas énergique vers ses appartements, fatigué d'avance. Son arrivée n'avait pas pu passer inaperçue, et beaucoup de gens voudraient le voir. Pour s'enquérir de sa santé mentale, lui reprocher plus ou moins discrètement son irréflexion, lui soumettre une demande urgente...
Sur le chemin, le jarl avait réfléchi à un mensonge plausible, avant d'abandonner. Il n'avait aucune raison de mentir. Il avait reçu ce qu'il avait interprété comme un message divin, et avait suivi la piste. Qu'au final il se soit trompé sur la nature surnaturelle du message, n'ait pas saisi l'occasion ou ait rejeté le phénomène importait peu. La raison était légitime, au départ. Et pour ceux qui en douteraient, Lumière-d'Acier parlerait à la place du jarl. Il en était tout à fait d'humeur, bien que sa colère soit un peu redescendue.
La seule question pertinente était la suivante : que faire, maintenant ?
Le jarl avait décidé qu'il demanderait conseil à la sejdrkona, la sage-femme du clan. Même si, à ce sujet, la leçon d'Einar avait porté : il ne lui demanderait pas quoi faire, mais comment faire ce qu'il avait décidé. La sorcière serait un outil plus qu'un décisionnaire... en théorie. Il fallait encore qu'elle renonce à son ambition personnelle, et son père l'avait prévenue que la sejdrkona appréciait un peu trop à son goût la saveur du pouvoir. Mais, en la matière, c'était le projet de Ragnar, et il avait bien l'intention d'en garder le contrôle. Que l'échec ou la réussite lui appartienne...
Mais, avant toute chose, avant d'aller affronter ses vassaux, il avait décidé d'aller trouver son esclave. Il ne resterait pas longtemps, simplement quelques minutes. Juste le temps pour chacun de s'assurer que l'autre allait bien. Avant de retourner dans l'arène de la politique.
La main de Ragnar s'égara sur la poignée de Lumière-d'Acier à cette pensée. Manœuvres inutiles et sournoises... Inutiles, oui.
Partage.
Le partage était la solution, pas les discours. Le partage des idées, des rêves. Du rêve de la flamme de l'esprit suéri, dans lequel "partager" faisait appel à la générosité du cœur comme au tranchant de l'épée.
L'odeur de maladie sauta aux narines de Ragnar dès qu'il s'avança dans la pièce où Sahnnâ était allongée. Dormant peut-être, bien que la soirée fut peu avancée. Il s'accroupit au bord de la couche, écartant une mèche de cheveux de la main.
Sahnnâ ? Ça ne va pas.
Une affirmation, pas une question. La seule raison pour laquelle Ragnar avait pris la peine de parler était de vérifier si l'esclave était réveillée, auquel cas elle pourrait lui expliquer plus précisément ce qui lui arrivait. Si elle dormait... hé bien, il irait vaquer à ses autres devoirs. Notamment celui d'aller quérir la guérisseuse, qui ne manquerait pas de saisir cette occasion d'utiliser le levier de négociations qu'on lui fournissait si obligeamment.
Sahnnâ ? |
| | | Sahnnâ
Messages : 163
| Sujet: Re: Un retour attendu pour un départ imprévu (pv Sahnnâ) Mar 18 Jan 2011 - 10:36 | |
| Non, ça ne va pas. Mais il n'avait pas vraiment besoin qu'elle le lui dise, c'est plus qu'évident.
A l'énoncé de son nom, le premier, Sahnnâ était très loin. Pas vraiment endormie, non, elle avait vaguement entendu le bruit de pas, senti la main frôler son visage, et puis reconnu la voix. Elle avait commencé à revenir. Peut-être qu'elle ne l'aurait pas fait pour quelqu'un d'autre. Non pas qu'elle se trouve bien, dans la pénombre cotonneuse où elle est tombée il y a quelques heures, mais l'effort était trop grand... et les efforts sont mauvais pour elle.
A la deuxième fois qu'il prononce son nom, elle parvient à cligner des paupières, à entrouvrir les yeux. Deux sombres puits de fièvre et d'épuisement. Elle est couchée sur le flanc, roulée en boule sous les couvertures râpeuses, tremblante de froid, de chaud, de mal partout, le corps revêtu d'une mauvaise sueur, qui lui colle les cheveux au visage. Sa peau est blafarde, et brûlante.
Elle n'essaie même pas de lui répondre. Sa respiration est bien trop douloureuse, trop difficile. Elle se contente de forcer sa tête à faire un simple "non", pour lui confirmer ce qu'il sait déjà. Et même ça c'est trop. La toux la broie, profonde, violente, une horrible toux qui vient de loin, chargée de menaces. Elle se bat avec elle pour réussir à inspirer de nouveau, il lui faut de longues secondes, avant que le souffle consente à entrer à nouveau dans ses poumons malades, un souffle entrecoupé, sifflant, pénible. Elle a refermé les yeux, épuisée.
Et ça ne fait que quelques heures. Hier elle se sentait juste un peu fébrile. Elle a mal dormi, elle toussait déjà, un peu, rien de comparable avec... ça. Ce matin ça pouvait encore aller. Elle toussait toujours, elle se disait que le froid lui avait finalement éraillé la gorge, et que la fatigue lui alourdissait le front, mais c'étaient des contes pour masquer une vérité qu'elle refusait encore. C'était sérieux. C'est sérieux. Elle en a été certaine en début d'après-midi, quand la toux a empiré brutalement, quand la fièvre l'a forcée à cesser son entraînement, à s'asseoir pour ne pas tomber, puis à s'allonger pour ne plus se relever. Elle a vu du sang dans les saletés qui lui remontent à la gorge. Non, ça ne va pas. Oui, c'est grave.
Elle le regarde et le voit mal, il fait sombre, deux des trois lampes se sont éteintes et elle ne s'est pas levée pour les rallumer. La lumière dessine des angles sur son visage, et elle n'arrive pas à savoir ce que disent ses yeux. Elle se sent tellement désolée qu'il ne soit pas revenu un jour ou deux plus tôt, quand elle aurait encore pu lui dire qu'elle était heureuse de son retour. Elle n'y arrive pas, c'est trop bête... Tout ce qu'elle arrive à faire c'est essayer de regarder, de rester accrochée à ce qu'elle voit de ses traits, pour ne pas replonger, pas encore. A un mouvement qu'il fait, la lumière touche un de ses yeux, par le côté, et pour elle ça illumine son visage entier. Il lui a manqué. Elle sourit.
|
| | | Ragnar Herteitr Jarl
Messages : 1486
| Sujet: Re: Un retour attendu pour un départ imprévu (pv Sahnnâ) Mar 1 Fév 2011 - 0:33 | |
| Relations.
Ce mot regroupe beaucoup de choses. Toutes les façons qu'ont les hommes de se côtoyer, de vivre ensemble. Toutes les façons pacifiques, dans ce cas. Et, bien que la pensée de Ragnar ne se concrétise pas en mots, deux sentiments l'étreignent, en cet instant précis.
Le sentiment de responsabilité, d'abord.
Si nous ne prenons pas soin les uns des autres, nous ne sommes rien.
Un sentiment contraignant, qui force le jarl à s'imposer des actions et se discipliner, ce qu'il n'accepterait d'aucune personne extérieure à lui-même, dût-il payer cette liberté de sa vie. Un sentiment nécessaire pour empêcher l'usage du pouvoir sans frein ni mesure. Et, en plus de cela, une sincère affection pour Sahnnâ. De l'amour ? Peut-être, ou peut-être pas. Un mot aussi fragile et fuyant qu'un flocon de neige dans la main. Mais en tout cas de l'affection. Et c'est déjà bien assez pour faire ce qu'il convient.
Après, seulement, intervient la réflexion sur les conséquences politiques de cette maladie. Appel à la guérisseuse. Qu'a dit Eirik, à son sujet, déjà ? Il l'a mis en garde contre elle, et sa possible attirance pour le pouvoir. Dans l'idéal, les rôles sont clairement définis. Au jarl le rôle de guider les hommes, à la sejdrkona le dialogue avec les esprits. Dans l'idéal. Qui ne survient pas toujours.
Cet évènement offre à la sorcière une occasion de se rendre indispensable, et cela ne plaît pas à Ragnar. Mais quel est l'intérêt d'un clan dont on n'utiliserait pas toutes les ressources, ni tous les talents ?
Tiens bon, Sahnnâ.
Une main rugueuse caresse rapidement la joue de l'esclave.
Une fragile fleur du désert, malgré tout. Les apparences ne sont peut-être pas si trompeuses. J'aurais dû penser à cela. Tout le monde ne survit pas à la Suérie. Même sans faire connaissance avec les lames de ses habitants.
Sortant dans le couloir, Ragnar ordonne que l'on aille chercher la guérisseuse de toute urgence.
Puis il revient s'accroupir près du lit. Il a quelques devoirs à remplir, mais ceux-ci attendront. Il pose sa main sur le corps frissonnant. Ceci est un de ses devoirs.
|
| | | Une vieille
Messages : 14
| Sujet: Re: Un retour attendu pour un départ imprévu (pv Sahnnâ) Ven 4 Fév 2011 - 16:50 | |
| L'heure du Blót approchait, et, une fois n'est pas coutume, la vieille Svana n'était pas installée dans sa hutte. Elle déambulait au milieu des enclos du village, les mains croisées dans le dos, d'une démarche solide malgré son âge avancé. Le climat en Suérie n'autorisait aucune faiblesse, et elle savait pertinemment qu'au moment où ses épaules commenceraient à se voûter, il lui faudrait urgemment trouver une héritière. Même si elle était rebelle et indisciplinée, la jeune Malin avait sa préférence, car la sejdrkona avait parfaitement saisi son changement d'attitude lorsqu'elle assistait aux rites et aux sacrifices. Eirik préfèrerait sans doute qu'elle choisisse la jolie Yslen, mais Svana savait qu'elle ne possédait pas la volonté pour résister au rugueux jarl. L'équilibre du clan reposait autant sur la guérisseuse que sur son chef, dans son propre esprit tout du moins.
Yslen ferait une parfaite épouse, songea-t-elle avec un mince sourire tandis que son regard s'arrêtait sur un jeune étalon qui semblait s'énerver contre l'atmosphère. Elle hésita, puis poursuivit sa marche. Le Blót renforçait la tribu, et la personnalité du sacrifice jouait un rôle essentiel. Choisir un cheval aussi fougueux que celui-ci ne ferait que pousser le jarl à guerroyer encore plus, multipliant les veuves, les orphelins et les amputations. Elle voulait un animal plus doux et tranquille. Plus en chair. Qui apporterait la prospérité par autre chose que la lame. Enfin, les chevaux étant rares, elle savait que sacrifier une monture si "prometteuse" serait mal vu par Eirik. Ce serait une provocation inutile.
Elle vit d'ailleurs Malin passer entre les enclos en portant une pile d'épaisses fourrures, ses traits toujours figés sur un petit sourire narquois. Elle était largement plus rusée que ses camarades du même âge, et n'avait pas peur de le montrer. Svana avait commencé à réfléchir à une façon de canaliser cette intelligence de façon plus constructive qu'en moquant les autres adolescentes. Elle avait déjà invité la jeune femme à discuter à quelques reprises, de façon plus ou moins innocente - ce qui n'avait pas échappé à Malin. Elle ferait une formidable guérisseuse. Eirik ou son successeur devraient compter avec elle.
Elle avait simplement ouï dire du retour de Ragnar, qui passait l'essentiel de son temps en vadrouille. Qu'il ne l'ait pas encore contactée était une bonne nouvelle, signifiant qu'il avait cette fois limité les pertes - ou à l'opposé que toutes les blessures avaient été fatales. Svana ne se privait pas de partager ses vues sur les aventures nautiques du fils du jarl lorsqu'elle refermait une plaie ou soignait un guerrier souffrant des complications du mal de mer, mais elle savait qu'elle ne le changerait pas. Elle espérait simplement qu'il s'assagisse avec le temps. Voyant de qui il était l'héritier...
La guérisseuse fut tirée de ses pensées en entendant son nom. Elle se retourna et vit un des hommes de Ragnar qui l'interpellait tout en se tenant à distance respectueuse de l'enclos, où le jeune étalon n'avait pas cessé sa colère sans cible. Elle lui répondit d'un simple signe de tête : ce n'était pas à elle de venir vers lui, tant pour son âge que pour son statut.
Il s'approcha et lui présenta sa requête dans la langue précise et efficace des militaires. Esclave, malade, soigner. Elle haussa un sourcil, surprise qu'on sollicite son intervention pour une simple esclave. Mais Svana restait aux ordres du jarl, et il ne lui incombait pas de choisir qui soigner - en tous cas, pas dans les périodes calmes comme celle-ci. Elle hocha la tête et s'éloigna des bêtes sans avoir décidé de l'identité du prochain animal sacrifié.
- Dis à Ragnar que j'arrive. Je dois récupérer mon matériel.
Sans presser son pas, elle retourna vers sa hutte chercher la besace de cuir dans laquelle elle rangeait les herbes et outils dont elle avait le plus souvent besoin. D'ordinaire, elle demandait à ce que les blessés soient amenés sur place, mais ce n'était pas toujours possible, pour d'évidentes raisons. Elle passa une main sur sa joue ridée, ne sachant pas s'il lui faudrait prendre autre chose, puis une idée lui vint : Malin. La lanière du sac passée autour de son épaule, elle ressortit et hêla la jeune femme qui repassait, poursuivant son tri. En quelques mots, elle lui expliqua la situation, et lui ordonna d'attendre hors de la résidence de Ragnar, et de servir de livreuse si elle s'avérait avoir besoin de quelque chose. Elle comptait sur sa vivacité d'esprit et ses jeunes jambes pour lui fournir le nécessaire dans les plus brefs délais.
Elle finit par parvenir jusqu'aux appartements de Ragnar, à la porte duquel Malin s'arrêta, comme prévu. Sans se faire annoncer, Svana entra, les effluves qu'elle pouvait ressentir l'informant qu'on lui pardonnerait son impolitesse. De toute façon, on lui pardonnait toujours. Les menaces de malédiction étaient un outil puissant dont elle savait user face aux orgueilleux. Elle salua le jeune jarl d'un signe de tête et se dirigea directement vers le lit, auprès duquel elle s'agenouilla, constatant le très mauvais état de l'esclave.
- Peux-tu parler ? Quel mal ressens-tu, ma petite ? Montre-moi, si tu préfères.
Elle n'était pas habituée à soigner des étrangères, mais celle-ci devait avoir une certaine valeur pour que Ragnar la dérange à la tombée de la nuit. Autant lui parler comme elle le ferait à une femme de la tribu. |
| | | Sahnnâ
Messages : 163
| Sujet: Re: Un retour attendu pour un départ imprévu (pv Sahnnâ) Lun 7 Fév 2011 - 23:03 | |
| Sans doute pas très longtemps... Une heure ? Deux ? Difficile à dire... Sahnnâ flotte dans une brume ouatée, gris opaque, déchirée parfois du pourpre de la souffrance, quand la toux la reprend. Elle a à peine conscience du fait que la soirée avance. Tout ce qu'elle sait, c'est que Ragnar est resté auprès d'elle.
Sa peau est douloureuse, mais peu importe, elle n'a aucune envie qu'il retire sa main. Elle est fraîche, sa main. Forte. Elle l'apaise... A plusieurs reprises elle a plongé dans le sommeil, en est ressortie, frissonnante, a ouvert les yeux pour le chercher, puis a replongé. Elle a beaucoup de mal à rester éveillée, la fatigue est pressante, pesante, collante... Mais elle lutte. Se force à rester présente. Elle l'a trop attendu pour accepter de perdre trop de secondes de sa compagnie silencieuse.
Une voix éraillée tire la malade de son demi-sommeil cotonneux. Elle n'a pas entendu venir la vieille femme. Elle découvre un visage profondément ridé, empli de sillons de pénombre, et deux yeux brillants d'oiseau prédateur. L'attention, la volonté, l'intelligence. De la douceur, aussi, derrière la rudesse du parler. Allongée sur le côté, elle cligne plusieurs fois des paupières, pour s'éclaircir la vue, se sortir de sa torpeur, avec un succès modéré.
Parler, impossible. Elle respire déjà avec des précautions incroyables, pour ne pas éveiller la toux. Lentement, elle bouge le bras, le replie contre elle, désigne sa poitrine, son sternum, y pose la main ouverte, recouvre le foyer dormant de la douleur qui la griffe à chaque inspiration trop vive. Elle élève la main jusqu'à son front, le touche brièvement, fièvre, migraine, mais c'est secondaire à côté du premier mal, elle le sent...
Puis elle sort de dessous la fourrure le chiffon dans lequel elle a caché sa toux. Il était propre il y a quelques heures... A présent il porte plusieurs étoiles de sang, encore frais. Les yeux plantés dans ceux de la vieille femme, elle déploie sommairement son mouchoir de fortune. Et guette dans ses yeux une réaction. |
| | | Ragnar Herteitr Jarl
Messages : 1486
| Sujet: Re: Un retour attendu pour un départ imprévu (pv Sahnnâ) Mer 23 Fév 2011 - 23:52 | |
| Il y a des devoirs, des obligations. Des choses à faire, des paroles à prononcer, en tant que jarl. Mais Ragnar n'a pas l'intention de respecter tous ces devoirs, du moins pas immédiatement. Ce qui a attendu deux jours peut bien attendre quelques heures de plus. Et Ragnar éprouve un respect mêlé de crainte face aux pouvoirs de la vieille femme toute fripée qui se tient face à lui, qui l'incite à la fois à rester par curiosité, et par un réflexe de protection impossible à extirper. Le même qui l'a fait rester, là, près de cette fille tremblante de fièvre dont il n'est parfois même pas certain qu'elle le reconnaisse. C'est encore un devoir, encore et toujours. Que l'on soit seigneur ou serviteur, que les serments soient prononcés ou non à haute voix, ils enchaînent les hommes aussi sûrement que pourrait le faire la volonté des dieux.
Peut-être est-ce cela que l'on appelle la volonté des Nornes.
Le guerrier baisse les yeux vers le mouchoir que tend péniblement Sahnnâ. Sang frais. Ragnar ne connaît rien à la médecine et le sujet ne l'intéresse pas, mais il sait une chose : le sang doit rester à l'intérieur du corps. Et lorsque c'est par les orifices naturels qu'il sort, c'est encore plus mauvais signe. Le poids de sa main se fait imperceptiblement plus important sur la peau de Sahnnâ. Puis il relève la tête vers la guérisseuse qui n'a toujours pas bougé, observant simplement l'esclave avec une absence totale d'émotion. A moins que tous les sentiments que ressent la vieille Svana puissent être contenus dans les rides de son visage parcheminé. Ce ne serait pas étonnant outre mesure.
En cet instant, Ragnar sait que, dans un genre différent, son propre visage reflète celui de la guérisseuse. Une vieille guérisseuse dont les rides dissimulent les pensées, et, face à elle, un jeune guerrier aux traits durs ne reflétant aucune de ses pensées. Mais beaucoup de choses passent par le regard. La légère lueur d'inquiétude dans le regard du jarl lorsqu'il constate l'état du mouchoir. Un regard d'un bleu glacial, aussi froid que la glace et aussi dur que l'acier, qui se reporte vers la guérisseuse afin de capter son regard.
La voix qui sort, rendue cassante et rocailleuse par la fatigue et la tension accumulées au cours des derniers jours.
Peux-tu la soigner, guérisseuse ? |
| | | Une vieille
Messages : 14
| Sujet: Re: Un retour attendu pour un départ imprévu (pv Sahnnâ) Dim 17 Avr 2011 - 6:27 | |
| La silhouette allongée dans le lit rappelait à Svana celle d'une biche blessée. Frêle et faible, mais dont nulle maladie ne pouvait totalement faire disparaître la grâce. La guérisseuse n'était pas surprise que Ragnar tienne aussi particulièrement à préserver sa santé. Il y avait quelque chose d'exotique chez cette petite, et les hommes étaient toujours attirés par ce à quoi ils n'étaient pas habitués. Le raisonnement derrière les raids incessants de la tribu n'étaient guère différents. L'on pouvait très bien vivre uniquement avec ce qui vivait ou poussait dans les montagnes, après tout.
Néanmoins, Svana refusait de se montrer optimiste avec cette gamine. Ses herbes et ses onguents pouvaient apaiser les douleurs qui semblaient paralyser sa patiente, mais le sang dans la bouche était un mauvais présage. Toute son expérience ne lui avait jamais appris de traitement réellement efficace face à ce symptôme.
- Je peux la soulager. Les Dieux choisiront.
Elle fouilla dans sa besace d'une main tout en caressant pensivement le front enfiévré de la jeune femme. Elle sortit un bout d'étoffe d'un blanc immaculé, et commença à essuyer délicatement la sueur qui perlait sur la peau douce. Svana caressait plus qu'elle ne frottait, ne voulant ajouter nulle douleur à ce que pouvait déjà ressentir sa patiente. Elle s'adressa au jarl sans le regarder.
- Fais apporter des couvertures en abondance. Donne l'ordre de les changer régulièrement. Et fais brûler des feux tout autour de la tente.
Elle continua sa besogne durant de longues secondes, passant à un bras, puis à l'autre. Elle avait déjà décidé de confier les soins de cette étrangère à Malin. Elle-même ne pouvait se permettre de passer tout son temps à veiller sur ce qui n'était, finalement, qu'une esclave. Svana avait des responsabilités auprès de la tribu, et le Blót était proche. De nombreux hommes et femmes viendraient la trouver pour montrer leur dévouement aux Dieux. La vieille guérisseuse s'amusait de ces élans de foi spontanés lorsque l'heure des grandes fêtes sonnait, mais elle ne leur en tenait pas rigueur ; les Dieux ne s'en offusqueraient pas eux-mêmes. La dévotion zêlée n'avait pas de sens sur ces rudes terres.
Elle finit par se relever et se frotta pensivement le menton en voyant la jeune femme respirer toujours aussi faiblement. Cette fois-ci, elle se tourna vers Ragnar.
- La Suérie est en train de la tuer. Elle n'a rien à faire ici. Elle n'a pas la résistance de nos femmes. Je peux peut-être la sauver cette fois-ci, mais elle ne sera qu'une morte en sursis. La moindre rechute pourrait être fatale.
Svana avait envie de poser d'autres questions, une en particulier : pourquoi ne pas s'être contenté des femmes de la tribu ? Les beautés ne manquaient pas. Mais ce petit bout de femme représentait autre chose, elle était autant le but que le moyen utilisé pour l'obtenir, une preuve de bravoure. Et cela causait sa perte. La guérisseuse avait déjà vu des esclaves, mais aucune ne lui ressemblant. Elle espéra pouvoir un jour contempler les mêmes traits pleins de vie, afin de comprendre ce qui avait tant séduit Ragnar. |
| | | Sahnnâ
Messages : 163
| Sujet: Re: Un retour attendu pour un départ imprévu (pv Sahnnâ) Dim 17 Avr 2011 - 23:14 | |
| Sahnnâ est attentive, aussi attentive que possible, à travers la fièvre et la douleur. Elle a supporté le contact de la vieille femme, a dépassé l'inconfort de la sensation sur sa peau trop sensible, pour accepter le réconfort du geste, et sa douceur. Puis elle a regardé la vieille femme se relever, et écouté tous ses mots. Et par-delà l'éclat de la maladie, ses yeux se sont durcis.
Elle n'y croit pas. Mais moi je sais.
Toujours allongée sur le côté, elle maîtrise son souffle pour ne pas risquer d'effleurer la surface au-delà de laquelle la douleur viendrait chercher à la happer. L'effort est rude, mais il l'aide aussi, lui offre un moyen de se concentrer, de fixer sa pensée. Le souffle est un battement lent. Un rythme. Et tant qu'il y a un rythme, elle vivra pour danser dessus.
Elle bouge, lentement, avec précautions, mais elle bouge. Pour secouer la tête, tout en fixant la vieille. Pour dire non. Sa voix est un murmure, une impression, un fantôme de voix. Chaque mot est soigneusement formé, soufflé, contrôlé. Et chacun d'eux porte une conviction puissante. Aussi solide que s'ils étaient gravés dans la pierre, et non chuchotés tout bas pour leurrer la douleur, cet animal redoutable au sommeil trop léger...
- Ton pays ne peut pas me tuer.
Inspiration lente, expiration précautionneuse. Un regard nettement braqué sur Ragnar, un mouvement de tête, très léger, pour le désigner. Inspiration encore, et elle poursuit.
- C'est à lui que l'Art m'a donnée. Les Dieux.
Puis elle ramène les yeux sur la vieille. Le temps d'un autre souffle lent et soigneusement contrôlé.
- Je vais vivre. J'ai besoin de ton aide.
La force qui n'est plus dans son corps est toute entière dans sa volonté, dans son regard. Tous les mots qu'elle ne dit pas sont dans les pauses entre ceux qu'elle dit, ces silences tendus, chargés d'intensité, de certitude. De foi. Elle va vivre parce que l'Art est en elle, et que son but, quel qu'il soit, n'est pas atteint. Son heure n'est pas venue, pas ici, pas maintenant.
Elle ne le dit pas, elle ne peut plus, elle a fermé les yeux, serré les dents pour s'empêcher de tousser, pour fermer la gueule à la souffrance qui s'ébroue dans sa poitrine, éveillée finalement par un effort juste un peu trop poussé. Si il lui restait un peu de souffle, elle n'aurait eu qu'un mot à dire, et elle sait que la vieille aurait compris, qu'ils auraient compris tous les deux. Destinée, ils connaissent. Ils vivent ce mot, ces Suéris qu'elle commence à connaître, dans chacun de leurs actes.
Quand elle rouvre les yeux, elle les fixe tour à tour. Le feu est dans son regard, pas juste la fièvre, le feu. Et l'espoir. Pas l'espoir de guérir, mais celui de les avoir convaincus, avec ces quelques maigres paroles. Si il sont convaincus, elle vivra. Elle le sait. |
| | | Ragnar Herteitr Jarl
Messages : 1486
| Sujet: Re: Un retour attendu pour un départ imprévu (pv Sahnnâ) Mar 19 Avr 2011 - 14:34 | |
| La respiration de Ragnar se fait irrégulière, un instant, un bref instant, alors que sa poitrine tressaille sous l'effet de la surprise. Entendre une esclave, une étrangère qui plus est, tenir ce genre de discours est quelque peu déstabilisant. Car la vénération avec laquelle elle a mentionné l'Art ne laisse aucune place au doute sur ce qu'elle désigne en réalité. Le Wyrd. La destinée de chaque être vivant. Et c'est une énigme.
Quel destin peut bien avoir une esclave ? Pourquoi aurait-elle été appelée d'aussi loin ?
La pensée de Ragnar, rapide et concise, file directement à la conclusion logique.
Soit le destin de Sahnnâ rejoint le mien. Soit... comment une esclave pourrait-elle avoir une destinée exceptionnelle ?
Il détache le regard qu'il avait fixé sur Sahnnâ, en même temps qu'il tentait de percevoir son souffle en tendant l'oreille. Ce qui lui a permis de sentir la résolution quasi palpable qui émanait de ce petit filet de voix. Il reporte ses yeux d'un bleu glacial sur la guérisseuse.
Peut-être est-elle plus suérie que tu ne le pensais. Que nous ne le pensions tous les deux. Peut-être qu'elle a vraiment été appelée ici, et que cette terre l'aime plus qu'elle ne le laisse voir.
Il dépose au bref baiser sur le front de Sahnnâ.
Bats-toi avec courage. Je serai avec toi.
Wyrd.
Puis se redresse de toute sa taille pour s'adresser de nouveau à Svana.
Wyrd bið ful ārœd. Fais ce qui sera en ton pouvoir, je ne t'en demande pas plus.
Wyrd bið ful ārœd... cette phrase qui a sculpté l'esprit des Suéris. Ces mots avec lesquels tous vivent. Ces mots qui disent que la Destinée est tout. Qu'elle est inéluctable. Et que, pourtant... pourtant, quel que soit notre destin, notre lâcheté est de nous y soumettre tristement, quand notre gloire est de l'accepter et de l'accomplir. En sachant que la fin est déjà écrite, que nous nous cachions dans le recoin le plus obscur de la maison ou que nous foncions en première ligne du champ de bataille, là où les flèches volent si dru qu'elles sont comme une pluie sur le bouclier.
Mais, par-dessus les pensées du jarl, recouvrant tout le reste, il y a l'étonnement, mêlé de fascination, pour cette facette de Sahnnâ qu'il vient tout juste de découvrir.
J'espère qu'elle vivra. Et je crois qu'elle le fera.
Il marque une pause, esquisse un geste vers la porte tandis que ses pensées se bousculent dans sa tête. Il pense à ce qu'il pourrait dire de plus à Svana. A Sahnnâ, surtout. Aux choses qu'il a encore à faire. A son propre Wyrd, à la grandeur à laquelle il aspire. Aux signes que le Destin lui a envoyé, s'il a su bien les interpréter et y répondre. A sa grande consternation, il n'en sait rien.
Pour un projet comme celui auquel j'aspire, il me faut un soutien mystique. Ce serait largement mieux.
Avec ta permission... j'aurai peut-être à te parler plus tard, Svana.
Cette dernière phrase s'envole alors que le jarl passe déjà la porte d'un pas pressé. Mal à l'aise dans cette situation à laquelle il ne peut rien, alors qu'il y a tant de choses qu'il peut faire par ailleurs... |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: Un retour attendu pour un départ imprévu (pv Sahnnâ) | |
| |
| | | | Un retour attendu pour un départ imprévu (pv Sahnnâ) | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |
|