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 Comment l'Arc Blême sombra

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Ragnar Herteitr
Jarl

Ragnar Herteitr


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MessageSujet: Comment l'Arc Blême sombra   Comment l'Arc Blême sombra Icon_minitimeJeu 10 Juil 2014 - 11:14

Les Suéris avaient leurs qualités et leurs défauts, comme tout peuple. Cela s'appliquait à l'état d'esprit, au style de combat, à la manière de parler comme à de nombreuses choses. Mais un certain nombre de facteurs les avantageaient. D'abord, ceux qui partaient en expédition étaient des marins-nés. Ensuite, et par suite de l'habitude des navires, ils avaient aussi une capacité à combattre pied à pied, ancrés sur place, inamovibles. Un mur de bouclier suéris était parfois plus difficile à faire bouger qu'un vrai mur de pierres, et c'était le cas des hommes de Yeravik.

Aussi, lorsque Ragnar apprit que le navire dont l'Arc Blême s'était emparé était effectivement ingouvernable, la suite était évidente. Le seul avantage des mercenaires sur les Suéris était leur capacité de mouvement, et ils l'avaient maintenant perdue. Les attaquer dans ces circonstances était aussi difficile que de battre à mort un chat enfermé dans un sac.

Le jarl ne fit aucun discours. Il voulait simplement du sang. En embarquant sur l'un des deux langskips qui allaient se lancer aux trousses de l'Arc Blême (on n'était jamais trop prudent), il n'eut qu'une seule phrase, prononcée avec une sombre détermination.

N'aiguisez pas trop vos armes.

Pour la première fois de sa vie peut-être, Ragnar se sentait d'humeur cruelle. Il ne voulait pas simplement anéantir ses ennemis, non, il voulait qu'ils meurent lentement et si possible bruyamment en sachant que leurs âmes hurlantes subiraient pour l'éternité les tourments glacés du Niflheim.

En quelques coups de rames, le navire ennemi fut en vue. Ragnar, au gouvernail, éleva la voix.

Bon ! Ils sont foutus et ils le savent. Ils ne peuvent plus nous échapper. Restez prudents ! Ils n'ont rien à perdre, et je veux que tout le monde revienne sur ses deux jambes, aujourd'hui. On fonce dans le tas, on les éperonne, on les laisse couler. Je veux un mur de boucliers autour de moi !

La voile fut rabattue alors que le navire arrivait à portée de flèche, et les rameurs positionnèrent leur bouclier dans le dos, continuant à tirer en rythme. Et le temps commença de ralentir cependant qu'une muraille de boucliers se dressait autour du jarl, toujours à la barre. Le vent salé fouettait le visage de Ragnar, les embruns rafraîchissaient sa barbe alors que la barre frémissait sous sa poigne. Le navire s'élançait sur les flots, fendant les vagues comme la charrue la terre. Les premières flèches s'élevèrent dans le ciel, enflammées, avec une lueur orangée, et retombèrent en arc de cercle avec un vrombissement de guêpe. Peu importait, maintenant. Avec la vitesse acquise, le navire allait perforer sa cible comme un couteau chauffé au rouge dans de la neige. Une flèche se planta dans un bouclier, une autre dans le mât, une autre encore passa non loin de la tête de Ragnar, qui fulmina.

Levez vos boucliers, bande de fils de putain !

Il capta un regard contrit pendant que ses gardes du corps obtempéraient. Quelques flèches de plus tombèrent, mais là où Ragnar s'était attendu à ce que l'Arc Blême réagisse comme lui l'aurait fait en luttant avec l'énergie du désespoir, il était clair que plusieurs mercenaires devaient être quelque part, prostrés en attendant la mort. Une bouffée de mépris s'ajouta à la haine qu'il ressentait déjà pour ces types condamnés. On aurait pu au moins espérer qu'ils meurent convenablement. Cela n'aurait pas arrangé Ragnar, mais il aurait eu plus de respect pour eux.

Pour finir, ils arrivèrent au contact. Ragnar avait déjà abordé ce navire et failli y laisser sa tête, il ne comptait pas réitérer l'expérience. Surtout que cette fois-ci, il n'y avait aucun butin à espérer. On allait faire plus simple. Dans un hurlement de bois torturé, le langskip s'encastra dans la coque ventrue du navire marchand, cependant que le deuxième vaisseau de guerre suéri l'imitait quelques instants plus tard. Le choc fut rude, et quelques hommes perdirent l'équilibre parmi ceux qui devaient protéger Ragnar. Personne ne passa à la mer, fort heureusement. Aussitôt, les rameurs se mirent à ramer à rebours afin de dégager le navire. Les vaisseaux suéris étaient en général rapides et vifs sur l'eau, et le Dragon-des-Flots reprit rapidement de la distance. A partir de là, il n'y avait plus rien d'autre à faire que d'éteindre les quelques flammes qui avaient pris sur le bois du navire, puis de regarder, en sécurité, sombrer leurs ennemis, tout en se détendant. Le mur de boucliers qui protégeait le barreur se dispersa.

D'abord, le navire marchand commença à s'enfoncer dans l'onde. Puis il commença à pencher d'un côté. On pouvait voir quelques silhouettes courir frénétiquement sur le pont, mais la plupart ne bougeaient pas. La destinée était inexorable : sur leurs derniers instants, les Eiraliens comprenaient avec amertume toute la sagesse suérie. Ragnar reprit la parole. Sa voix était froide, distante, tranchante et mortellement calme.

Préparez les lances. Une fois que tout le monde sera à l'eau, on va aller harponner tous ceux qui n'auront pas coulé.

Le navire marchand penchait maintenant nettement, et sa proue commençait à s'enfoncer. Les premiers mercenaires commencèrent à tomber à la mer, certains à y sauter, d'ailleurs. Mais le jarl ne voulait prendre aucun risque. Il ne s'approcherait pas tant qu'un seul archer aurait la moindre chance de tirer ne serait-ce qu'une seule flèche.

Il aurait été incapable de dire quand, mais à un moment, le lent mouvement de descente du navire s'accéléra brutalement. Il commença à tourner sur lui-même jusqu'à se retrouver couché sur le côté alors que la proue continuait de s'enfoncer. Et alors, l'immersion accéléra d'un coup. Quelques instants plus tard, le dernier bout visible du navire avait disparu. Quelques survivants étaient visibles sur la mer.

Ragnar empoigna une lance, tenant la barre de l'autre main.


Allez.
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Romaric de Boiscendré
Chef Mercenaire

Romaric de Boiscendré


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MessageSujet: Re: Comment l'Arc Blême sombra   Comment l'Arc Blême sombra Icon_minitimeDim 13 Juil 2014 - 8:45

Romaric était à moitié fou. Enfin, à dire vrai, sa santé mentale l'avait quitté depuis bien des années pour aller explorer d'autres horizons, mais là, il semblait qu'elle fut carrément sur le point de changer de pays.

Rage, frustration, terreur.... lui qui ne ressentait quasiment plus aucune émotion depuis si longtemps s'en trouvait tout d'un coup submergé. Il était furieux contre lui-même, de s'être fait posséder ainsi. Il avait paniqué et pris une décision stupide en faisant partir le navire sans vérifier un minimum son état.

En même temps, ça n'aurait rien changé. Une fois sur le navire, il était un peu tard pour sauter à l'eau et retourner sur la plage en mouillant les arcs...

Si ce n'est qu'on aurait pu mourir plus proprement que par la noyade. Merde !

Et puis il était furieux de s'être fait posséder. Mais surtout, surtout, il était terrifié. Le chef ennemi avait largement pris l'ascendant, sur lui et sur ses hommes. Il le sentait dans la manière dont on évitait de le regarder, dans les lourds silences : la conviction qu'il n'était pas à la hauteur de l'ennemi qu'il s'était fait. Il aurait bien aimé ne pas être d'accord, mais... Il fallait un plan. Mais il n'y en avait pas. Une troupe d'archers qui ne pouvait pas bouger avait à sa disposition un nombre d'options plus que limité.

Du genre, mourir. Merde !

Romaric savait pertinemment ce qu'étaient ces deux voiles qu'il voyait venir à leur rencontre. Les navires de Ragnar, venant pour achever l'Arc Blême. Bien profilés, rapides et bas sur l'eau, comme tous les navires suéris. Et ils étaient lancés aussi férocement que deux javelots vers la poitrine d'un homme paralysé sur place. Il n'y avait rien à faire. Que tirer ses dernières flèches. Pour ceux qui en avaient encore : ils avaient dépensé sans compter pour essayer de protéger l'embarquement.

Il aurait sans doute dû dire quelque chose... mais quoi ? "Ne vous inquiétez pas, j'ai un plan" ? Il ne se sentait même pas la force d'en élaborer un, ni de faire illusion... Sans compter que chacun de ses stratagèmes avait été déjoué avec une facilité insultante. "Mourrons dans l'honneur, compagnons" ? Il ne partageait pas la très commode croyance suérie selon laquelle il suffisait de mourir courageusement l'arme à la main pour accéder à une autre vie merveilleuse. "Ce fut un honneur que de combattre à vos côtés" ? Très mélodramatique, mais il méprisait chacun d'entre eux, et ne se voyait pas finir sa vie sur des paroles aussi ridicules.

Secoue-toi. Tu as mieux à faire que de penser à tes dernières paroles.

Et, alors que les deux langskips fendaient les flots pour aller à sa rencontre, alors qu'ils arrivaient à portée de flèches et qu'il aurait dû se battre, donner des ordres, Romaric ne pouvait que revoir sa vie défiler devant ses yeux. Y compris des moments qu'il savait ne pouvoir se rappeler, mais qu'on lui avait raconté, et qu'il s'était tellement repassés dans sa tête que c'était comme s'il pouvait se les remémorer.

Comment ils étaient nés l'un après l'autre, lui et son frère jumeau Guillaume. Comment une fois l'accouchement terminé et les bébés l'un à côté de l'autre, dans la confusion, personne ne savait qui avait vu le jour le premier. La lâcheté de ses parents remettant la question à plus tard, jusqu'au jour du tirage au sort qui avait totalement dépossédé Romaric de ses droits. Comment il était parti du domaine familial, furieux, avec seulement quelques hommes loyaux. Comment ils avaient combattu ensemble, comme escorte ou comme libres épées. Comment, petit à petit, ses quelques rares compagnons étaient morts ou l'avaient abandonné, alors qu'il réunissait autour de lui d'autres types de combattants, nettement moins recommandables. Les premiers raids... On avait accusé des Suéris ou des Lydanes, bien sûr. C'était si facile. Les ventes d'esclaves. Comment l'Arc Blême s'était spécialisé dans ce domaine, tout en prenant un nom en rapport avec ces arcs qu'eux seuls avaient appris à utiliser correctement. Comment il avait accepté le contrat d'Henri de Kassel. Comment il avait remonté la piste jusqu'à cette maudite île. La rencontre avec Ivar, le bras droit du jarl. La mort du petit Gaïlen. La sauvage qui les avait attaqués. Sa capture et son interrogatoire. Puis le départ. La fuite. Le désastre. Tout se terminait à présent.

Comme dans un horrible rêve, Romaric se sentait englué, chacun de ses mouvements lourds et terriblement lent, beaucoup trop lent. Ses doigts gourds encochèrent une flèche. Tirèrent. Ratèrent. Une autre, au ralenti, qui se planta dans un bouclier. Puis un fracas de fin du monde, le navire qui tremblait, les hommes qui tombaient à genoux sous la puissance de l'impact. Et alors qu'ils commençaient à peine à reprendre leurs esprits, un deuxième choc. L'horrible compréhension qui se faisait jour alors que l'eau se ruait dans les cales du navire. Un désespoir aussi noir que la nuit qui l'envahissait. Sa main qui cherchait une flèche, l'observait. La posait sur sa poitrine. Les pointes étaient parfaitement aiguisées. Il serait si facile de l'enfoncer d'un coup sec. Le cœur palpitait, là en-dessous. Un seul geste de la main, et tout serait terminé. Si facile. Et pourtant impossible.

Les Boiscendré n'avaient jamais été une noblesse de l'épée. Ils avaient compté de grands escrimeurs dans leurs rangs, bien sûr, mais la douceur des Méridianes ne forgeait pas des grands combattants. C'était d'ailleurs ce qui faisait leur force : produire une classe noble qui ne cherchait pas à régler tous les problèmes par un bain de sang. Une leçon qu'il aurait dû apprendre plus tôt. A jouer à ce jeu-là, les Suéris étaient bien meilleurs.

Personne ne devrait jamais tenter de se mesurer à un adversaire qui a été préparé à un jeu depuis avant sa naissance. Un homme devrait s'en tenir à ce qu'il sait faire de mieux.

Le navire commença à pencher sur le côté. Romaric ferma les yeux, goûtant avec délice chaque bouffée d'air. Car bientôt, l'air ne serait qu'une ancienne bénédiction à jamais inaccessible. Ses doigts lâchèrent la flèche. Il ne pouvait pas faire ça. Il ne le pouvait pas. Il glissa, lorsque la proue du navire commença à s'enfoncer. Essaya sans conviction de remonter vers l'arrière du navire qui se dressait vers le ciel. L'eau commença à ramper vers lui, de plus en plus vite, mouillant ses bottes alors qu'il tentait de s'agripper à un cordage, gagnant quelques coudées, quelques pathétiques instants de terreur en plus.

L'eau salé le trempait maintenant jusqu'à sa taille. Romaric lâcha son arc, inutilisable. Lâcha la corde. Il abandonna la lutte.

Alors c'est ainsi que cela se termine.

L'eau le recouvrit. Il se laissa sombrer. Quelques instants. Après tout, c'était toujours plus rapide que les tortures suéries. Mais la volonté de vivre était trop forte. En quelques brasses puissantes de ses épaules d'archer, Romaric refit surface, et aspira avidement une longue goulée d'air. Le navire finissait de disparaître dans les flots, et les langskips se rapprochaient à la rame. Le poids des vêtements et de l'armure de cuir qu'il portait entraînaient Romaric vers le fond. Il luttait pour se maintenir à flot. Les navires arrivaient maintenant au niveau des premiers mercenaires. Des lances jaillirent et se retirèrent, laissant des corps inertes qui rougissaient la mer. Et avec la concentration méthodique du fermier maniant sa faux, les deux navires se rapprochaient du point où le vaisseau qu'ils avaient éperonné avait sombré. Vers lui, Romaric. Les navires avaient maintenant ralenti. Mais le chef mercenaire ne tarda pas à comprendre pourquoi. Au lieu de simplement embrocher les survivants, maintenant qu'il y en avait moins et que les Suéris savaient pouvoir tous les avoir avec certitude, ils avaient changé de méthode. Au lieu de simplement embrocher leur victime, ils la transperçait dans une zone non létale, puis la maintenaient sous l'eau en pesant sur la lance.

Une sueur glacée inonda le visage de Romaric. S'il avait encore eu sa flèche, il se serait percé le cœur sans hésitation à ce moment-là. Mais elle était... Quelque part. Un cri de douleur vite étouffé, juste à côté de lui. Quelques pas à peine. Le bruit d'un homme dont le cri est interrompu par un flot d'eau salé se ruant dans sa gorge. Des remous. Très forts au début. Puis plus faibles. Puis, plus rien. La lance qui reste en place, encore. Puis se retire. Rouge. Le navire qui se rapproche encore. Un homme qui se tient à la proue. Un type dans la force de l'âge, une abondante chevelure noire, un visage impeccablement rasé. Pas un Suéri, vu sa taille. Sa lance qui se darde vers Romaric. Lui qui essaye de l'esquiver, mais, dans l'eau, qu'est-ce que... Trop lent, beaucoup trop lent. Un coup de pied dans le ventre, quelque chose qui l'a heurté. Puis la douleur. Profonde, pénétrante. Romaric qui porte ses mains à son ventre, sent une hampe de bois. L'horrible compréhension. Embroché comme un poisson. Un cri, plus de peur que de douleur. Et la lance qui écrase son bas-ventre, pesant vers le bas. L'horrible douleur, comme si ses intestins, ses testicules et ses cuisses se déchiraient ensemble. Un cri. Et l'eau qui entre dans sa bouche. Les tentatives pour se débattre. L'insupportable brûlure de ses poumons qui hurlent pour de l'air, juste une bouffée, rien qu'une dernière bouffée. Le cahier que chaque Boiscendré doit remplir pour y raconter sa vie, qu'il prenne place dans sa bibliothèque. Pas plus mal que Romaric fasse exception. La douleur, dans toute la poitrine, comme si une main géante s'amusait à écraser ses côtes, très lentement. La panique. Une tentative pour inspirer. Air, eau, peu importe. La douleur. Un flot glacé dans la gorge, dans la poitrine. Dans son cœur, qui tressaute follement. Puis s'arrête. La détente, la douleur qui s'en va.

La paix.
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Ragnar Herteitr
Jarl

Ragnar Herteitr


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MessageSujet: Re: Comment l'Arc Blême sombra   Comment l'Arc Blême sombra Icon_minitimeJeu 17 Juil 2014 - 18:48

L'heure était venue de rendre la justice. Enfin, "justice"... L'heure était venue d'exécuter les prisonniers. Il n'y aurait aucun procès réel en l'occurrence, aucun wergild proposé. De toute manière, les mercenaires n'auraient eu aucun moyen de s'en acquitter, à part en les vendant comme esclaves. Une éventualité que Ragnar avait caressée, d'ailleurs. Des mines d'Acrogée, à suer, trimer et mourir, loin sous terre. Mais non, ç'aurait été trop risqué. Ragnar voulait que l'Arc Blême disparaisse totalement. Comme... évaporé.

Les prisonniers de guerre seraient massacrés, c'était entendu. Les lois ne s'appliquaient pas dans ce cas-là. La seule question encore en suspens était le degré de confort de leur mort, mais la lueur dangereuse qui habitait le regard de Ragnar n'était guère encourageante même sur cette question-là.

Les mercenaires survivants, une bonne quinzaine, se tenaient, debout devant le jarl, à l'entrée de la forteresse. Ragnar, vêtu en guerre, s'encadrait dans la grande porte, ouverte pour l'occasion. Et, derrière les prisonniers solidement entravés, une foule de villageois venus assister à la sentence, grondant et murmurant de colère, mais n'osant pas avancer : ils ne connaissaient pas assez bien leurs nouveaux seigneurs pour être en confiance, surtout à la vue des haches à deux mains massives que brandissaient les gardes chargés de les tenir à distance.

Quelques prisonniers (la plupart en fait) étaient quelque peu abîmés par les interrogatoires qu'ils avaient subi depuis leur capture, une semaine auparavant. On avait cassé quelques os, percé quelques peaux et coupé quelques bouts de chair jusqu'à être absolument sûrs et certains qu'on leur avait extirpé jusqu'à la plus petite miette d'information. Ragnar pouvait être nettement plus méthodique que la moyenne de ses compatriotes, quand il le voulait. Et faire preuve d'un sens stratégique qui surprenait assez facilement les Eiraliens, habitués à considérer les Suéris comme des guerriers épais du front et mal rasés, ou des commerçants à l'hygiène douteuse et sentant fort le poisson et la bière.

Il se demanda fugitivement s'il n'aurait pas fait la même chose à leur place. Torturer les familles des soldats pour forcer une garnison à faire une sortie et à combattre en terrain défavorable était une astuce vieille comme le monde. Non, il n'aurait pas franchement aimé ça, mais il aurait pu procéder de la même manière. Sauf que là, il s'agissait de ses gens, à lui. Et c'était bien cela qui faisait toute la différence. Ragnar marchait de long en large devant les prisonniers alignés, pâles et chancelants, et sa voix portait au loin.

Vous êtes venus ici, sur mes terres. Vous vous en êtes pris à mes gens. Vous avez torturé un enfant. Vous allez mourir, pour ça. Tous. Lentement.

Sa voix était calme mais vibrante d'une colère contenue, et son regard glacé. Il croisa celui de Sahnnâ, le soutint quelques instants, l'air de la défier de rester regarder.

Vois ce que ton Maître est capable de faire, et assume le fait de le savoir.

On posa au sol les grands panneaux de bois qui auraient dû être utilisés pour servir de protections contre les flèches, avant d'allonger de force le premier prisonnier dessus, sur le ventre, mains attachées dans le dos. Puis, d'une hache bien aiguisée, le jarl s'attaqua à ses côtes, les cassant juste à côté de la colonne vertébrale. L'homme cria, bien sûr, mais Ragnar continua son œuvre, imperturbable. Puis il se saisit de longs clous de métal forgés pour l'occasion, de près d'une coudée de longueur. Il tira les côtes et un homme les cloua sur la planche, révélant les poumons, qu'il cloua également avec d'autres clous plus petits.
L'ensemble faisait un étrange tableau, on aurait dit un oiseau sanglant déployant ses ailes. Terrifiés, tous les prisonniers furent ainsi cloués, leurs poumons à l'air libre étirés sur le côté.

Cette technique d'exécution n'était pas si douloureuse, médita Ragnar quand il eut fini, l'épaule douloureuse (ce n'était pas si facile de tirer des côtes, il avait souvent fallu s'y mettre à deux).. Les gars devaient étouffer rapidement. Difficile à dire... En tout cas, ils s'arrêtaient vite de crier. Quoiqu'il en soit, le but était d'impressionner, pas de torturer. Et le jarl avait un peu trop bien réussi à son goût. Mais la mine de grave satisfaction des villageois et des soldats montrait qu'il avait fait ce qu'il convenait.

Ragnar hésita. Il aurait eu bien envie d'un bain. Deux, même. Il était couvert de sang, et depuis qu'il avait découvert ce luxe dans cette forteresse, une passion pour l'hygiène lui était venue. La présence de Sahnnâ à chaque bain n'y était peut-être pas étrangère, mais Ragnar s'était tout de même rendu compte qu'il était plutôt agréable de ne pas toujours sentir sa sueur coller à sa peau. Alors que dans l'ensemble, sur ce point, les Suéris correspondaient totalement à l'image qu'on s'en faisait : on les détectait facilement à l'odeur. Notamment parce que là d'où ils venaient, l'eau liquide n'était qu'un vague concept abstrait environ la moitié de l'année.

D'un autre côté, il n'avait pas envie de s'amollir. Sa décision fut rapidement prise. La mer n'était pas bien loin. Elle était froide, oui, selon les critères eiraliens, mais pour lui, c'était un agréable bain tiède. Sahnnâ l'accompagnerait.







*Oui, je sais, l'aigle de sang, on ne sait pas si ça a existé. C'est pas un forum historique donc je m'en fous : je fais mal aux gens, épicétou.

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