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| Nous devons manger (pv Sahnnâ) | |
| | Auteur | Message |
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Ragnar Herteitr Jarl
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| Sujet: Nous devons manger (pv Sahnnâ) Lun 3 Sep 2018 - 21:54 | |
| Citadelle de Falr Dans les celliers Jour de la Septime Croix (299ème jour) Début de l'heure de la Tour (vers 20h) Ragnar inspira avidement l'air des caves. Un air frais, sentant légèrement le renfermé, mais surtout, sentant la nourriture. C'était l'odeur qu'on appréciait particulièrement de sentir avant un hiver rude. Dehors, il faisait un temps catastrophique. Le vent soufflait en grosses rafales, la mer était particulièrement agitée, et il pleuvait depuis deux jours sans discontinuer, des trombes d'eau qui n'en finissaient plus. Ils avaient d'ailleurs bénéficié d'un avant-goût de ce grain sur le chemin du retour, mais par chance, le vent venait du sud et avait donc abrégé leur voyage. Qu'il soit venu du nord et ils auraient eu à écoper sans discontinuer en mer pendant un, voir deux jours, sans même y voir assez pour espérer tenir un cap.
Un serviteur déposa un sac de farine sur un tas qui était déjà largement fourni. Du point de vue de Ragnar, tout allait bien. Les échos qu'il avait eu des serviteurs étaient que, globalement, on allait passer l'hiver dans des conditions plutôt confortables, même si personne ne savait à quel point. Apparemment, la gestion des stocks de nourriture était assez chaotique. Et Ragnar ne pouvait s'empêcher de se demander ce que cela avait à voir avec Sahnnâ. Depuis l'épisode où il avait massacré les survivants de l'Arc Blême, elle l'évitait. Elle était devenue... insaisissable. Il n'avait même plus envie de la mettre dans sa couche, comme ç'avait été le cas au début.
Bien sûr, il ne se rendait pas compte qu'une femme qui maîtrisait autant le langage corporel pouvait aisément susciter le désir, comme l'éteindre, et que son absence d'intérêt n'était pas du tout le fruit de sa propre volonté.
Mais en l'occurrence, il avait besoin de la voir. Ils avaient des choses à discuter.
Va me chercher Sahnnâ. Je dois lui parler.
Le serviteur inclina la tête.
Oui, seigneur !
Puis il partit d'un pas détendu. Ragnar le regarda partir d'un air approbateur. L'homme obéissait promptement et efficacement, sans pour autant montrer une frayeur particulière. Cela dénotait une maisonnée où chacun connaissait son rôle et était heureux de s'en acquitter. Et, dans l'ensemble, on sentait cette ambiance dans la citadelle. Même les nouveaux commençaient à s'intégrer. Cela se voyait dans les exercices en rapport avec le mur de boucliers et les manœuvres de combat. Tout le monde bougeait d'un bloc. C'était presque beau à voir, du moins si on faisait l'effort d'oublier que ces superbes mouvements de groupe visaient à éviscérer l'ennemi le plus efficacement possible.
S'il y a un problème, c'est ma faute. J'ai fichu de force une esclave sans expérience de la gestion à un poste de gestionnaire, alors qu'elle n'avait pas fait le ménage dans sa tête. C'était idiot.
Évidemment, il lui avait demandé ce qu'elle en pensait. Mais une esclave n'était pas habituée à donner son avis. C'était même parfois irritant. Quand on demandait à quelqu'un si un travail pouvait être réalisé, on attendait une réponse honnête, pas une réponse plaisante. Mais bon. Certains réflexes prenaient du temps à être surmontés. Le jarl s'assit sur les sacs de farine, fermant les yeux. Il attendit assez longtemps, mais cela ne le dérangeait pas. Les derniers jours, il n'avait pas précisément manqué d'action.
Il la sentit arriver bien avant de la voir ou même de l'entendre. C'était comme un trou dans les sons. C'était le silence assourdissant d'une personne tentant de ne pas se faire remarquer. Il sourit en la voyant devant lui.
Bonsoir, Sahnnâ. Content de te voir. |
| | | Sahnnâ
Messages : 163
| Sujet: Re: Nous devons manger (pv Sahnnâ) Mar 4 Sep 2018 - 22:18 | |
| Elle est arrivée sans hâte excessive, son pas est naturellement rapide. Et silencieux. Sahnnâ n'est plus un Joyau, du moins pas selon ses propres critères, mais elle ne se sent pas pour autant le droit de déroger à la règle qu'elle a apprise enfant, à moins qu'il lui soit totalement impossible de faire autrement. Donc, elle est nu-pieds. Le sol est suffisamment égal, et il ne fait pas si froid. Pas encore.
-Tu verras, l'hiver la neige monte au moins aux chevilles, parfois aux genoux. Tu seras contente de les remettre, tes bottes.
Elle n'a pas répondu, elle s'est contentée de sourire. La femme qui la regardait passer avec ses ardoises sous le bras et ses pieds nus a haussé les épaules et repris son travail.
Le sol des caves est en partie dallé, en partie en terre battue et en partie taillé dans le rocher sur lequel est bâti la forteresse. Dans les trois cas, l'esclave y marche en silence. Même ses vêtements, simples et pratiques, n'émettent aucun froissement. Sahnnâ a perdu son contact avec l'Art, mais elle n'a pas perdu sa maîtrise sur les mouvements de son corps ni de ce qui le vêt.
L'ai-je perdu, vraiment ?
Elle n'y croyait plus vraiment, mais son devoir de Joyau était de continuer à chercher. Il y a quelque jours, elle a presque retrouvé la quiétude de l'Art. Ce n'était qu'une seconde ou deux, le temps d'un souffle, mais il lui a semblé ressentir à nouveau le grand vide lumineux, la profonde paix, l'ouverture. En cet instant, le corps indigne était prêt à céder la place au Corps Digne, et à s'emplir de la musique de l'Art. Un rire dans le couloir a brisé l'instant, mais l'espoir s'est ranimé en elle, et depuis elle cherche une occasion de s'isoler une ou deux heures dans la salle d'exercice, pour essayer encore. Mais ses tâches sont lourdes et nombreuses, elle n'a pas un moment à elle dernièrement. Les réserves se remplissent, et elle a beau avoir proposé une manière simple de tenir le compte de ce qu'on entasse là, ils sont bien peu à accepter de mettre en oeuvre les demandes d'une esclave. Trois ou quatre serviteurs suivent volontiers ses avis, depuis qu'elle a suggéré un système simple de clayettes de bois pour ranger les tresses d'oignons au lien de les empiler, et éviter ainsi qu'ils pourrissent comme ils avaient pourri les années précédentes... C'était facile. Les oignons poussent aussi en Albad-Ryah, et c'est ainsi qu'on les préserve.
Alors qu'elle approche de la cave aux farines, Sahnnâ fronce les sourcils. Non parce que son maître, auquel elle s'efforce de penser le moins possible, se trouve là, posé sur les sacs. Mais parce que ces sacs sont entassés à peu près n'importe comment. Elle laisse filer un soupir un peu agacé, trace deux marques rapides sur l'ardoise fine qu'elle porte sous le bras. Pratique, ces ardoises. Un peu lourdes, mais le parchemin est rare et coûteux, tandis qu'on trouve de ces plaques de pierre fine un peu partout sur la plage.
Parvenue devant son maître, l'esclave s'incline, et elle a toujours la même grâce délicate, la même modestie étrange qui est presque une fierté, la même élégance, alors qu'elle est vêtue de la toile grise que porte n'importe quel esclave de la forteresse, des palefreniers aux porteurs d'eau. Sur elle, la tunique simple et le pantalon large ont l'air de gagner en souplesse, en légèreté, et la lanière de cuir brut qui sert de ceinture prend des reflets veloutés. Elle se redresse, la natte lâche de ses cheveux sombres, noués en arrière pour qu'ils ne la gênent pas, reste sur son épaule.
- Maître, tu m'as fait demander.
Content de la voir ? Elle a un peu de mal à le croire, tant son visage lui paraît sérieux, sa voix froide. Sa présence dans cette cave ne peut avoir beaucoup d'explications, il a probablement des reproches à lui faire. Calme et patiente, Sahnnâ attend. C'est à lui de parler, et s'il lui laisse l'occasion de s'exprimer à son tour, elle verra ce qu'il y a moyen de faire pour améliorer les choses, et, peut-être s'éviter un châtiment. Somme toute, elle le préfère mécontent que trop content. Le temps a émoussé presque toutes ses craintes, sauf une.
Encore un peu de temps. J'ai peut-être retrouvé l'Art. Si je parviens à retrouver l'Art, je pourrai à nouveau endurer ça. Du temps. |
| | | Ragnar Herteitr Jarl
Messages : 1486
| Sujet: Re: Nous devons manger (pv Sahnnâ) Mar 4 Sep 2018 - 23:09 | |
| Ragnar eut un hochement de tête approbateur. Ça, il appréciait. Respectueuse, directe et efficace.
Oui, je voulais te voir.
Un silence. Un long silence méditatif, durant lequel Ragnar balaya du regard les stocks de nourriture. A première vue, il y en avait... beaucoup. Le problème, c'était que "beaucoup", c'était assez pour nourrir quinze hommes pendant un mois. Ou un millier pendant dix ans. Aucun moyen de l'évaluer.
L'hiver arrive, déclara-t-il finalement.
Mais comment lui expliquer ce qu'était l'hiver ? Le vrai hiver suéri. Les interminables soirées au coin du feu, à chanter et raconter d'anciennes histoires. Mais aussi, la faim, le froid mordant, et les vieux qui, constatant l'état du garde-manger, sortaient dans le blizzard en déclarant qu'ils "allaient chasser" pour ne jamais revenir.
Ceux qui me servent ne connaîtront plus jamais ça. Ils ne le doivent pas. La terre est riche, ici.
Et pourtant, la peur demeurait. La moitié de l'Eiralie pouvait disparaître sous la mer avec ses habitants, pour ce que Ragnar en avait à faire. Mais les siens... c'était différent. Totalement différent.
L'hiver arrive, répéta-t-il. J'aimerais savoir quel est l'état des réserves de nourriture. Peut-on nourrir tout le monde correctement ?
Il examina Sahnnâ en inclinant légèrement la tête sur le côté, avant de préciser son propos.
Et par "tout le monde", j'entends "tout le monde" : les guerriers, les esclaves, les serviteurs, les villageois... tout le monde. Même le bétail, si possible.
Puis il croisa les bras sur la poitrine, avant d'ajouter après coup :
Je suppose que tu es arrivée à t'en sortir avec l'intendance ?
Cela, il n'en doutait pas franchement. Sahnnâ était vive d'esprit et capable d'intense concentration. De plus, il savait qu'on lui aurait signalé si ç'avait été le chaos. Sauf que pour des Suéris habitués à passer la moitié de l'année à sillonner les océans, la notion de "chaos" était vraiment très chaotique. Et Ragnar commençait à percevoir que la manière de penser d'un seigneur n'était pas vraiment la même que celle d'un seigneur de guerre. Se déplacer en s'engraissant et en disparaissant avant d'avoir rencontré une trop forte résistance ou épuisé totalement une contrée, ce n'était pas la même chose que faire en sorte de faire fructifier un domaine. |
| | | Sahnnâ
Messages : 163
| Sujet: Re: Nous devons manger (pv Sahnnâ) Jeu 6 Sep 2018 - 22:36 | |
| Est-il anxieux ? Non. Non, pas vraiment. Ou à peine. En colère, ou même juste agacé ? Non plus. Il me semble qu'il est... perplexe. Oui, perplexe.
Sahnnâ écoute attentivement les mots de Ragnar, et examine plus attentivement encore son attitude, son regard, sa manière de bouger. Le geste un rien déconcerté qu'il a pour chasser ses cheveux de son visage. L'éclat un peu trouble dans ses yeux. Perplexe. Voire un rien dépassé, et trouvant le sentiment désagréable. Mais après tout, c'est pour ça qu'il s'est déchargé sur elle de cette tâche. Pour ne pas avoir à s'en occuper. Le fait qu'il se préoccupe de vérifier si tout est correctement suivi, c'est qu'il considère malgré tout qu'il s'agit de son devoir. Et c'est une bonne chose. Du moins une chose que Sahnnâ apprécie. Même si elle aurait préféré ne pas être à nouveau l'objet de son attention.
Je suppose que tu es arrivée à t'en sortir avec l'intendance ?
Euh... en gros. Oui.
Sahhnâ sait qu'il est évidemment hors de question de dissimuler quoi que ce soit. Qu'elle dissimule ses pensées et ses sentiments, c'est normal, c'est même sain. Ils sont à elle, c'est la seule chose au monde qui lui appartienne, puisque même sa vie n'est pas à elle. Mais aucun de ses actes ne peut rester caché si son maître exprime le désir de savoir. Elle va essayer d'adoucir certaines choses, oui. Ce n'est pas mentir.
Un hochement de tête répond d'abord à la question du Suéri, avant que la voix légère ne s'élève dans l'air froid de la cave.
- Assez facilement pour la plupart des choses, Maître. L'inventaire est à peu près à jour, et je commence à pouvoir estimer sans trop d'erreurs ce qui est consommé. Tes gens ne devraient manquer de rien cet hiver, quand bien même serait-il particulièrement rude, pour autant que rien ne vienne gâter les réserves. Et quelques précautions simples suffiront à éviter beaucoup de déconvenues.
Elle fixe les sacs, derrière lui, empilés n'importe comment. Qu'ils glissent, et la mauvaise toile, parfois rongée des souris, risque de céder. On ne peut pas éradiquer toute la vermine, mais on peu limiter les dégâts. Et surtout éviter l'effondrement des piles de sacs. Elle avait pourtant suggéré des choses dans ce sens... Mais ceux qui s'occupent de ces caves sont parmi ceux qui méprisent ses avis. D'où ce tas mal fichu, et ces caves mal aérées, un rien trop humides. Dont les portes fermées ne laissent pas entrer les chats. C'est idiot. Mais une seule porte ouverte peut changer beaucoup de choses. C'est Rolf, le tavernier boîteux, qui lui a parlé de cet hiver, trois ans plus tôt, où ceux de la forteresse ont perdu toutes leurs pommes séchées, prises d'humidité, et une partie du grain que les sacs rongés avaient répandu sur le sol. Du coup, ils étaient venus ponctionner dans les réserves du village. Et les gens avaient souffert de la faim.
Il y a tout ce qu'il faut, dans cette île. Quelques champs, une forêt pleine de gibier, de noix et de champignons qu'il suffit de se donner la peine de ramasser, des rivières poissonneuses et la mer à côté. Un peu de prévoyance, et personne ne manque de rien. Et un peu de bon sens, aussi. L'ennui, c'est que les esclaves responsables des erreurs d'il y a trois ans ont été revendus aux mines, sur le continent. Ceux qui les ont remplacés ne savent pas. Et si Rolf ne lui avait pas dit, elle ne saurait pas non plus. Mais il lui a dit, parce qu'il l'aime bien.
- Maître, il y a des détails pour lesquels il faudrait faire intervenir quelqu'un qui ait un minimum d'autorité sur les serviteurs. Je ne suis qu'une esclave, c'est parfois un problème. Pour que tout se passe au mieux, il suffit de quelques directives simples. Mais je ne peux les édicter. Tu as besoin d'un intendant pour donner les ordres. Je peux continuer ce travail et proposer des solutions. Certains suivent mes avis. Mais d'autres les ignorent. Et nous aurons des problèmes avec certains stocks, sans l’intervention d'une figure d'autorité.
Voilà. Pas de noms. Un problème, et une solution. Nul besoin d'un grand déploiement de discipline. Quelques mots devrainet suffire, elle ne veut causer de tort à personne. ... Non, même pas à cette garce de Ranja. C'est une idiote, c'est tout. |
| | | Ragnar Herteitr Jarl
Messages : 1486
| Sujet: Re: Nous devons manger (pv Sahnnâ) Ven 7 Sep 2018 - 2:20 | |
| Ragnar prit le temps d'écouter ce que disait Sahnnâ sans l'interrompre. Finalement, il grogna.
Ca ne m'étonne pas qu'il y ait des soucis. L'ancien propriétaire, Charles de Montfier... C'était un crétin, sur cet aspect comme sur d'autres. Apparemment, il y avait quelques problèmes, mais quand il s'en est rendu compte, il a simplement envoyé tout le monde mourir dans les mines. Je ne vois pas comment les gens peuvent apprendre si on les tue quand ils font une erreur. Enfin bref. Donc, tu sais où on en est. Parfait.
Il soupira.
Pour ce qui est de ta position d'esclave...
C'était la question, en fait. On ne pouvait pas tout avoir. On ne pouvait pas lui demander une attitude respectueuse et docile à chaque instant, et de savoir à côté s'imposer au personnel de maison. A moins que si ? La question, c'était qui mettre à la place. Ivar était sans doute le meilleur candidat, mais le priver de la joie de la navigation et de la bataille... c'était moche. Du point de vue de Ragnar. Mais il lui vint ensuite à l'esprit qu'Ivar ne s'était pas porté volontaire pour une expédition depuis longtemps. Il avait suivi Ragnar, rien de plus. Mais il cherchait peut-être du repos.
Il risque de mourir comme vache dans la paille, songea tristement Ragnar. Mais c'est peut-être son choix.
Il reprit la parole à voix haute.
J'aurais pensé que tu arriverais à leur faire accepter ton autorité. Mais si ce n'est pas le cas... Ivar pourra donner les ordres. Il a une grosse voix, il devrait faire l'affaire.
Un bref sourire. Qui s'effaça bien vite. Mauvais souvenirs.
Je suis le jarl de tous ces gens, Sahnnâ. Il est primordial que je puisse nourrir absolument tout le monde. Si je laisse mourir les miens, ce titre ne signifie plus rien.
Il ne demanda pas si elle comprenait, il savait que c'était le cas. De plus, à ce stade, il commençait à parler plus pour lui que pour elle.
Il n'y a pas si longtemps, à Yeravik, nous avons eu une famine. Des rats avaient attaqué les réserves. Le lac n'avait quasiment pas donné de poisson, et on n'arrivait pas à forer la glace. Il faisait un froid... surnaturel. Et je n'avais pas ramené le bon butin.
Sa voix se fêla.
J'étais un idiot. De l'or et de l'argent, sérieusement. J'aurais mieux fait de ramener de la viande séchée, même si ça impressionne moins.
Nous avons eu des morts, cette année. Ça a été... abominable.
Et ils avaient dû, pour survivre, faire des choses qu'il détestait se rappeler. L'odeur de la chair grillée revenait presque lui chatouiller les narines quand il y repensait.
Ça ne doit plus jamais se reproduire. Plus jamais.
Un bref silence. Il s'avança. Posa sa main sous le menton de Sahnnâ.
Je vois à ton regard que tu comprends à quel point c'est important. Alors dis-moi ce que tu as en tête, et nous allons faire en sorte que ça se passe comme il faut. Tant que tu y es, tu peux aussi m'expliquer pourquoi tu regardes avec autant d'insistance les sacs sur lesquels j'étais assis il y a un instant ?
Il eut un petit sourire asymétrique qui rappelait furieusement, pour qui le connaissait, l'un de ses meilleurs amis, Arnbjorn Snörtsson, jarl de Gullvej. |
| | | Sahnnâ
Messages : 163
| Sujet: Re: Nous devons manger (pv Sahnnâ) Sam 15 Sep 2018 - 23:15 | |
| L'esclave laisse parler son maître. Elle a acquiescé quand il a nommé celui à qui il faudrait qu'elle demande de parler à sa place, et qui, lui, serait obéi. Ivar, elle le connaît. C'est un bon choix. L'homme est respecté, apprécié, et il sait quand faire usage d'autorité devient indispensable, et quand un peu de fermeté, sans plus, est largement suffisant. Elle ira donc trouver Ivar.
Ragnar continue à parler, il raconte un de ces hivers dont elle ne peut qu'imaginer les rigueurs, elle qui n'a eu qu'un aperçu bien clément de la Suérie et a failli y laisser la vie. Elle reste impassible quand elle entend l'émotion dans la voix du jarl, mais malgré elle cette émotion la trouble.
Il se préoccupe d'eux. Ou il se préoccupe de ce que ses manquements pourraient causer comme dommage à leur loyauté. Ou les deux, sans doute. Il sait où est son devoir et il entend faire ce qui doit être fait. C'est bien. C'est ce qu'il faut faire.
C'est ce qu'elle doit faire elle aussi. Faire son travail comme il l'a ordonné. Et chercher l'Art, comme l'Art l'exige. Sahnnâ n'a pas qu'un seul maître. Et le plus dur des deux, le plus exigeant, le plus impitoyable, et pourtant le plus protecteur et réconfortant, n'est pas l'homme qui parle en ce moment. Sahnnâ est à L'Art bien plus qu'elle n'est à ce pirate qui a un jour arraisonné le bateau qui l'emportait au maître qui avait payé pour elle. Mais c'est à celui-là que l'Art l'a confiée. Tout barbare qu'il soit, tout primaire et violent qu'il soit, tout étrangement attentif et perspicace qu'il soit, il est celui à qui l'Art l'a menée. Alors Sahnnâ fait, elle aussi, ce qui doit être fait. Chacun sa tâche.
Ne pas reculer quand il te touche. Ne marquer aucune peur, aucun dégoût. Empêcher ta peau de frémir et ton souffle de se bloquer. Accepter. C'est juste un geste pour attirer ton attention.
Un geste inutile, parce que Ragnar a toute son attention, déjà. Il lui demande, pour les sacs, et c'est une excellente manière de poursuivre cette entrevue difficile, parce qu'elle sait exactement quoi répondre.
- Je n'ai rien de particulier en tête, maître, j'irai voir le seigneur Ivar et beaucoup de choses encore difficiles à accomplir fonctionneront d'elles-mêmes. Merci de m'avoir écoutée.
Elle jette en regard derrière lui, espérant qu'il lui lâchera le visage et se tournera vers le sujet de la discussion.
- Ces sacs sont entassés n'importe comment, à même le sol. La pièce est assez sèche pour l'instant, mais on m'a dit que l'hiver, l'humidité monte du sol dans toute la forteresse. S'ils touchent le sol et qu'ils sont tous les uns sur les autres, l'humidité va gagner un sac après l'autre et les farines pourriront. Il faut qu'ils puissent rester aérés.
Elle désigne les rondins de bois que ceux qui l'écoutent ont fait apporter sur sa demande, et en profite pour dégager son menton, et jeter quelques traits rapides sur l'ardoise.
- En les disposant comme ça, et en les séparant toutes les quelques couches en intercalant du bois, l'air pourra circuler, et tout sera conservé intact.
Elle lui montre le croquis. Et le laisse comprendre. Ca va plus vite de tout jeter dans un coin. Un peu plus vite. Un effort modéré est nécessaire, quelques instants de plus, un geste plus soigné. C'est facile. Il suffit de vouloir. Personne n'écoute une esclave, mais Ivar, on l'écoutera, n'est-ce pas ? Alors ce sera fait. Un problème, une solution. Aucune raison de sévir. |
| | | Ragnar Herteitr Jarl
Messages : 1486
| Sujet: Re: Nous devons manger (pv Sahnnâ) Jeu 27 Sep 2018 - 23:10 | |
| Perplexe, le jarl plissa les sourcils. Il se détourna de Sahnnâ, et balaya les provisions d'un regard morne. A cet instant précis, il ne pensait qu'à une chose : barrer son navire, le Dragon-des-Flots. L'emmener sur une mer agitée, voire même démontée, et jouer avec le vent et la mer.
Tu vas avoir ce que tu veux. Les tempêtes d'hiver approchent. Et tu seras sur les flots. Trop d'hommes, trop de choses à gérer d'un coup. Et comme tu n'as pas les moyens de payer... ça va être aux Eiraliens.
Il releva les yeux sur Sahnnâ, qui évita son regard. Ragnar inclina imperceptiblement la tête, essayant de déterminer si c'était une marque de respect ou une tentative d'évitement.
Ce que tu dis semble plein de bon sens, Sahnnâ. Et je te fais confiance.
Il croisa les bras, fixant d'un œil vide les sacs de farine.
Ce Montfier était vraiment un crétin, marmonna-t-il.
En fait, c'en était presque amusant. Chaque fois qu'il constatait ce genre de petit problème, le genre qui semble mineur mais peut vite devenir un handicap majeur, il se disait un truc du genre "Mais ? Pourtant, ce n'est pas la première fois, pourquoi est-ce qu'ils font cette erreur précisément maintenant ?". Et puis, juste après, ça lui revenait. "Ah oui, oui. C'est vrai. Montfier a envoyé tout le monde mourir dans les mines parce qu'ils avaient commis une erreur".
Et gouverner... commença-t-il.
Il secoua la tête, presque comme s'il s'ébrouait.
Les choses devraient être plus simples.
Un instant de silence.
Fais ce qui doit être fait, Sahnnâ.
Il se détournait déjà pour partir, lorsqu'il s'interrompit net dans son mouvement. Il y avait une chose, venait de songer le jarl, qui lui simplifierait la vie. Du moins, temporairement.
Je vais aller nager dans la mer.
Une mer froide, battue par un vent glacial, et un soleil déjà couché. Une plongée dans les ténèbres. Exactement ce que souhaitait Ragnar. Pas un confort amollissant et délétère à terme. Du moins, pas seulement ça.
A mon retour, je veux un bain chaud dans ma chambre. Et toi, aussi.
La brève crispation et pâleur de Sahnnâ n'échappa pas au jarl, qui l'ignora superbement.
En temps voulu, tu m'expliqueras ce qui se passe. Dans le temps que moi, je voudrai, tout du moins. |
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