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 Judith ou la déchéance ...

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Judith

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MessageSujet: Judith ou la déchéance ...   Judith ou la déchéance ... Icon_minitimeLun 2 Aoû 2010 - 17:36

Etre exposée sur une estrade a ses avantages. Même attachée à un poteau dont les échardes vous rentrent dans la peau. Même en dépit de la corde qui s'enfonce pernicieusement dans vos chairs. L'un d'entre eux c'est que le regard porte loin. Un moyen comme un autre de s'échapper, de ne pas subir les faces lubriques ou curieuses des badauds.

Ressassant ses mésaventures, Judith gardait la tête haute en écoutant d'une oreille distraite le boniment du marchand d'esclaves. On avait rarement fait plus piaillard dans le genre! Il comptait la vendre comme quoi? Servante? Elle qui ne savait rien faire de ses mains??? Ridicule! Pour un peu elle lui aurait rit au nez! Mais les circonstances ne portaient pas à rire.


" Une rareté! Regardez comme elle est belle! Une noble! Vierge qui plus est !!! Une peau plus veloutée encore que la soie! Et des mains d'une douceur que vous n'imaginez même pas! Ahhh ... Je vois qu'il y en a certains qui aimeraient vérifier! Ne réfléchissez pas de trop! C'est celle qu'il vous faut!"


Comment était elle arrivée là, devant cette foule piétinante et cet excité hurlant?

Elle se remémora les heures qui avaient précédé.

Le bateau.
Le matin, on lui avait permis de se faire belle. L'idée d'être échangée contre une rançon lui avait effleuré l'esprit, fait reprendre espoir.
Naïvement, sans imaginer qu'elle se trompait lourdement, elle avait retrouvé les gestes naturels et féminins. L'eau ruisselante sur sa peau blanche, le peigne glissant dans ses cheveux... Bien sûr ses vêtements étaient défraîchis et ne feraient pas illusion. Mais qu'importe.

Judith avait croisé son propre regard dans le morceau de ce qui avait dû être un miroir jadis. Hormis la lueur sauvage et inquiète au fond de ses yeux, les évènements n'avaient pas laissé de trace sur elle. C'était bien l'effet escompté, sinon le capitaine ne se serait pas privé d'abuser d'elle.

Elle en était là de ses constatations quand le capitaine était entré et s'était approché d'elle. Menaçant. Déterminé. Sa poigne enserrant le bras frêle était en elle même une mise en garde. Dans le genre "Ne me donnes aucun prétexte de sévir"
Judith avait levé un regard surpris et indigné vers l'homme alors qu'il la forçait à le suivre sans ménagement. Quelques heures plus tard, elle était livrée à ce marchand à la suite d'une longue série de palabres entre le capitaine et l'homme. Elle n'essaya même pas de se débattre. N'allez pas croire qu'elle s'avoua vaincue ou qu'elle se résigna à son sort. Non. Judith n'était pas sotte.

D'un seul coup d'oeil elle avait évalué les chances de pouvoir s'enfuir. Il s'était avéré qu'elle étaient quasi-nulles.
Alors à quoi bon résister?
Elle l'avait suivi la rage au ventre, brûlant de l'envie de lui planter entre les deux omoplates le premier objet pointu tombant sous ses doigts.

Passer de mains en mains, c'est donc cela que le destin lui réservait? A combien l'estimaient-ils?

Il fallait vraiment avoir beaucoup d'imagination - ou d'habitude- pour pouvoir déceler chez elle un potentiel quelconque tant elle y mettait de la mauvaise volonté.
Constatant que l'affaire ne serait pas aisée, le marchand monta sur l'estrade et s'approcha d'elle. Sans bouger la tête, elle lui lança un regard noir. Il la toisa grimaçant d'une joie malsaine, savourant à l'avance l'humiliation qu'elle allait subir avant de lui arracher d'un geste brutal ce qu'il restait de sa robe. Son corps offert aux regards, la pucelle accusa le coup, blêmissant de honte, crevant d'envie de lui cracher au visage.


"J'vous avais dit qu'elle était belle!!!"


Dernière édition par Judith le Mar 3 Aoû 2010 - 15:41, édité 1 fois
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Aliénor d'Ombreval
Comtesse

Aliénor d'Ombreval


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MessageSujet: Re: Judith ou la déchéance ...   Judith ou la déchéance ... Icon_minitimeLun 2 Aoû 2010 - 17:45

La foule l'insupporte. Elle n'a jamais aimé ça, même du haut d'un cheval. Et la foule des marchés aux esclaves est bien la pire de toutes. Quelle idée stupide a eu cet abruti qu'on lui a affecté comme escorte, de passer par ici "parce que c'est un raccourci, ma Dame..." Elle l'observe du coin de l'oeil, les joues empourprées et la prunelle moite, ne sachant où donner de la tête ni comment caser sur sa selle le trouble que lui cause assurément toute cette chair à vendre...

Tout juste si ce chien ne bave pas. Répugnant...
Et il a intérêt à ne pas essayer de se toucher discrètement à travers ses chausses, au premier mouvement suspect il prend ma cravache en travers du visage, j'en fais serment.


L'attitude du garde lui soulève le coeur, et que dire de la masse ignoble de cette foule serrée, qui empeste la sueur et la convoitise... Ce gros homme, là, et ces deux autres.. Et celui-là, ses oscillations sont révélatrices.

Pourceaux.
Tous autant que vous êtes, des pourceaux.


Evidemment la densité de la foule les a bloqués ici, face aux estrades où on vend de la jolie femme. Danseuses, musiciennes, jeunes catins aguicheuses ou pucelles effarouchées. Pas de travailleur solide pour les champs, pas de servante ternie par les travaux ménagers, pas de putain trop usée pour les bordels haut de gamme et revendue à l'échelon d'en dessous. Que de la chair fraîche et rose, du sein haut perché, de la croupe ferme, de la cuisse longue qui ne demande qu'à être écartée. Pitance propre à attirer les pourceaux, et ils sont bien là, en masse. Quelques uns achèteront. La grande majorité est là pour le spectacle...

Elle suit le regard d'un homme entre deux âges aux yeux écarquillés, et découvre l'esclave. Le boniment du marchand frôle sa conscience, s'y inscrit malgré elle. ..."belle"... "noble"... "une vierge à la peau veloutée"...

... et au regard rebelle. Et aux joues empourprés à présent que la foule peut se repaître les yeux d'elle.

Elle a eu un froncement de sourcil involontaire quand le marchand lui a arraché ses guenilles, un pincement au regard de la fille, sa détresse et sa honte. Un regard qu'on voit à tous les esclaves qui réalisent brutalement qu'ils ne sont plus que du bétail. La conscience de ce qu'ils sont devenus, une fois le dernier rempart tombé. La fille n'a plus que sa chevelure sur les épaules, et c'est tout. Et l'immonde qui la soulève, cette chevelure, la froisse entre ses doigts grossiers, l'empoigne pour relever la tête baissée de l'esclave.

"Si c'est pas ravissant, elle est timide !!! Hark hark... Allez mignonne, une si jolie frimousse, montre à ces messieurs-dames... Visez-moi cette belle petite chose, hein ? Une perle, j'vous dis, précieuse comme vous n'en trouverez pas d'autre sur la place avant dix ans ! Allez allez messieurs, faites-vous plaisir, c'est pas tous les jours qu'on peut s'offrir ce genre de p'tite merveille ! Que du premier choix, de la tête aux pieds, même pas un ongle cassé, intacte de partout, je dis bien de partout, avec le certificat, hark hark hark... Hein ? Ca fait pas envie, ça ? Mise à pris pour sept cent, sept cent pièces d'or, dites-moi si c'est pas un cadeau à ce prix-là ! Combien ? Sept cent cinquante ? Monsieur a du goût, il a repéré la bonne affaire, aaaah mais il est sûrement pas le seul ! Huit cent cinquante pour Madame Radegonde ! Aaaaah si Madame veut acheter, c'est bien la preuve, hein, que c'est du bijou cette petite ! Allez, montre-toi, toi, sois pas pudibonde... comme ça..."

Radieux, l'homme vient de recevoir l'enchère d'une grosse femme fardée jusque dans les oreilles, dans laquelle il reconnaît la maquerelle du bordel le mieux coté de la ville... Aliénor ne la connaît pas, mais elle a entendu son nom voler entre les hommes d'armes, une plaisanterie disant qu'ils n'avaient pas la solde pour se payer les filles de chez Madame Radegonde...

Et l'homme de donner un coup de badine sur l'intérieur du genou de la fille, puis l'autre, pour les lui faire écarter. L'ombrage châtain foncé qui revêt son bas-ventre s'entrouvre, la chair tendre apparaît, rose sombre. Tous les hommes de l'assistance déglutissent ou tressaillent. Aliénor entend le garde geindre à son côté.

Les enchères pleuvent, la fille vaut à présent mille cinquante pièces d'or, plus qu'un scribe ou un artiste, le prix d'un trio de musiciens. Le marchand suinte le bonheur par tous les pores de sa peau grasse. Et le dégoût d'Aliénor ne fait que croître... Détourner le regard l'amène à remarquer l'allure de son garde, tout de guingois sur sa selle. Une chance pour lui qu'il n'a pas encore perdu tout contrôle sur son maintien, elle a pour sa part des fourmis dans sa cravache.

C'est quand elle remarque que son cheval fend la foule vers l'estrade qu'elle réalise qu'elle a pris sa décision. Et même surprise, elle accepte ce mouvement. Elle n'a pas besoin d'une damoiselle tombée dans l'esclavage, sûrement rebelle et incapable de faire quoi que ce soit à part se faire servir elle-même. Mais cette fille ne finira pas au bordel, si elle peut l'éviter. Elle lui offrira une dernière chance, à elle de savoir la saisir.

Le visage froid, elle s'avance, laissant le peuple se débrouiller comme il peut pour s'écarter devant le poitrail de sa monture, ignorant superbement les protestations et les regards noirs. Droite comme un i sur sa selle d'amazone, consciente de l'image qu'elle dégage, Dame richement vêtue montant une bête de prix, des bijoux à la gorge, au front et aux mains, elle toise le marchand de son regard glacial.

- Deux mille pièces d'or.

Sa voix claire a sonné de haut, une rumeur a suivi, frénétique. La grosse maquerelle lui a lancé un regard outré, elle n'a pas daigné croiser ses yeux encroûtés de fard coûteux. Elle a continué à fixer le marchand, qui hésite entre vanter les largesses de cette dame fortunée, et inciter la foule à monter encore, sachant sans doute que ce prix est un sommet du genre et qu'il est peu probable qu'il puisse en tirer plus. Il regarde quand même la grosse femme, qui pince les lèvres, furieuse de manquer son achat. Il revient ensuite à Aliénor, et un grand sourire fend sa face de crapaud.

"Belle Dame vous ne serez pas déçue, je suis sûre qu'elle sera tellement reconnaissante qu'elle ne rechignera pas à apprendre les tas de choses qui plaisent aux femmes de qualité, et puis..."

- Silence.

Sa colère a sonné comme des lames de glace, et ont tranché net l'immonde discours de l'homme. C'est son regard salace et le clin d'oeil d'abjecte complicité qui lui ont donné envie de lui cingler le visage, tout comme elle envisageait tout à l'heure de se défouler sur le garde. Mais on ne traite pas ainsi ceux qui ne sont pas à votre service sans une excellente raison, et les insinuations de l'homme ne sont pas assez nettes pour être des insultes. Il s'est tu, immédiatement.

- Habille-la. Décemment.

Un signe et le garde s'approche, tandis que le maquignon détache la fille et lui passe une tunique rude et qui lui tombe au genou. Il lui entrave les poignets, derrière d'abord, puis rectifie sur un ordre d'Aliénor, et lui lie finalement les mains devant elle. Tandis que le garde descend de son cheval, piteux maintenant que la selle ne dissimule plus la bosse de ses chausses, elle ôte une bague de son doigt, un anneau d'or fin porteur d'une aigue-marine bleutée, presque transparente, et la tend au marchand.

- Voici un gage. Tu viendras chercher ton or au Palais de la Reine, et tu demanderas la Dame d'Ombreval.

Elle oublie le marchand qui se répand en remerciements et en compliments gluants, et tourne les regards vers la fille, lui ordonne brièvement de se mettre en selle, surveille les gestes du garde qui l'aide à grimper, ne le plaint pas une seconde malgré le supplice qu'il doit endurer, de poser ainsi les mains sur cette fille qu'il n'aura jamais. Elle quitte ensuite la place, ouvrant la marche en poussant sa monture en avant, avec la même désinvolture qu'à l'aller, que ces gueux s'écartent, après tout. Le garde mène l'autre cheval par les rênes, profitant de la brèche. Au passage elle croise le regard couleur de suie de la grosse femme, et lui dédie son plus gracieux sourire et un signe de tête élégant. Par jeu...

La foule se clairseme, les rues s'élargissent tandis que le petit groupe s'approche des abords du Palais. Elle freine sa monture, pour laisser l'autre cheval parvenir à sa hauteur, reprend la marche à son côté, scrute sa nouvelle acquisition.

- Quel est ton nom ?

Une question posée d'un ton neutre, plutôt froid. Que cette fille n'imagine pas que son rang perdu lui vaudra un traitement de faveur.
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Judith

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MessageSujet: Re: Judith ou la déchéance ...   Judith ou la déchéance ... Icon_minitimeLun 2 Aoû 2010 - 18:02


Les sons lui parviennent assourdis, lointains comme à travers une brume épaisse. Elle n'a plus l'impression d'être elle même. Tout au plus spectatrice d'une scène qui se jouerait devant ses yeux et qui ne la concernerait pas. Et pourtant au son des enchères elle est brutalement ramenée sur cette place grouillante, devant ces faces avides, ces bêtes en rut. C'est bien d'elle dont il s'agit. C'est elle qu'on est en train de vendre au plus offrant.

Les liens lui font mal. La corde est serrée, ses poignets se tortillent, cherchent à gagner du lest en adoptant une position plus confortable ou qui du moins ferait cesser la brûlure du chanvre sur sa peau et les fourmillements dans ses doigts.
La main grasse empoigne ses cheveux, l'oblige à lever la tête. Puis vient le claquement de la cravache. Bref mais impérieux. Alors Judith obéit, écarte les jambes, offrant aux hommes les plus proches le spectacle de sa chair fraîche et inviolée. Un murmure se répand dans l'assistance. Son regard étincelant d'un sursaut de fierté s'imprègne de chaque visage, de chaque attitude jusqu'à s'en écœurer. Et il y a de quoi. Jusqu'à ce rustre, la main dans ses braies qui se caresse sans aucune pudeur, à la vue de tous. Des images s'imposent à elle. De corps mêlés et suintants, lubriques, repoussants.

Judith frémit de dégout.

Les règles ont changé. Son petit monde n'existe plus. Et bien soit. Autant faire face à l'horreur de sa nouvelle condition. Elle ne se laissera pas sombrer. Elle ne leur donnera pas ce plaisir.

Les enchères se jouent maintenant entre deux femmes que tout oppose.
A main gauche, une maquerelle répugnante malgré les airs qu'elle se donne, mais qui malgré tout semble être quelque peu respectée. A sa droite une dame richement vêtue et parée, dont le port altier détonne dans la foule. Lorsque son cheval s'est avancé Judith l'a observée plus attentivement. Elle ne cadre pas avec la populace amassée devant l'estrade. Si elle avait eu besoin d'une esclave, elle aurait délégué la tâche du recrutement à quelqu'un de sa maisonnée. Elle ne semble pas venue se repaître du spectacle non plus. Alors que fait elle ici?



- Deux mille pièces d'or.


Judith suit la transaction stupéfaite. Ses yeux passent de la Dame au marchand ébahi qui ne pensait certainement pas gagner autant avec la jouvencelle et qui a fort à faire question maintien vis à vis de la dite Dame .


- Voici un gage. Tu viendras chercher ton or au Palais de la Reine, et tu demanderas la Dame d'Ombreval.


Vendue! Elle vient d'être vendue! Tandis que le marchand lui enfile un vêtement de toile grossière, elle réalise ce que cela implique.


- Sale porc ! Ne croise plus jamais mon chemin ou je te saigne comme le goret que tu es ! siffle-t-elle entre ses dents avant de lui tourner le dos.


Le garde l'emmène vers sa monture et l'aide à y prendre place. Ses grosses mains fébriles et avides sur la peau délicate le trahissent. La jeune femme ressent son envie de palper, de remonter le long de sa jambe, de poursuivre plus haut sous la tunique. Elle refoule le dégoût qu'il provoque en elle et soupire de soulagement une fois installée sur l'animal.
D'un pas lent et balancé, ils se mettent en marche au milieu de la foule dense et bariolée. La selle est froide contre ses cuisses et le cuir est rude contre son intimité que la chemise ne protège pas du frottement du pommeau, ajoutant à la gêne occasionnée par la corde liant ses mains. Mais il en faudra plus pour la dompter.

Les pensées les plus contradictoires se bousculent dans son esprit. Elle ne sait plus si elle doit être reconnaissante à cette femme qui vient de l'acheter... Si le pire est passé ou à venir ?

Judith détaille la gracieuse silhouette devant elle puis reporte son attention sur le garde.
Il se tient près de l'épaule du cheval, le retenant afin qu'il reste dans le sillage de la monture de sa maîtresse. Le genre à se croire plus malin que tout le monde, et à prendre les femmes pour quantité négligeable. Elle a croisé son regard bovin à plusieurs reprises, n'y a lu que cruauté et bêtise. Celui de Judith se pose sur la nuque épaisse: il suffirait d'un coup de pied juste là pour l'estourbir et lui faire lâcher les rênes. Cependant, elle hésite. La foule est dense et il ne serait pas aisé de se frayer un passage. Et mener un cheval mains liées n'est pas des plus simple. L'idée de se jouer du garde autrement lui effleure l'esprit également. Sournoisement, elle talonne fortement la bête qui renâcle d'être tenue si court, secoue la tête manquant d'assommer celui qui la tient au mors. Une fois. Puis une autre. Le garde maugrée, puis soupçonneux, se retourne vers la cavalière. Judith le fixe impassible, un sourire narquois aux lèvres avant de se détourner comme si de rien n'était.

Le pas des chevaux résonne plus clairement maintenant sur le pavé. Les rues se sont vidées et les remparts du château se profilent non loin. Songeuse, semblant presque résignée, Judith remarque à peine que les deux montures marchent maintenant côte à côte.


- Quel est ton nom?


Elle lève les yeux vers la Dame d'Ombreval, la regarde un moment. Aucune malice cette fois dans les prunelles grises. Juste un regard innocent et curieux. Inquiet aussi.


- Je m'appelle Judith. Qu'allez vous faire de moi ?


Elle ne sait pas comment elle doit lui parler, ni même si elle a le droit de la regarder ainsi. Elle ne connait pas non plus ses intentions. Tandis qu'elles s'observent mutuellement, la nouvelle esclave se demande amusée "Regrette-t-elle déjà son achat ?"


Dernière édition par Judith le Mar 3 Aoû 2010 - 15:35, édité 1 fois
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Aliénor d'Ombreval
Comtesse

Aliénor d'Ombreval


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MessageSujet: Re: Judith ou la déchéance ...   Judith ou la déchéance ... Icon_minitimeLun 2 Aoû 2010 - 18:03

Bonne question, petite. Mais que vais-je bien pouvoir faire de toi ?...

La fille a les yeux anxieux, mais pas plus timide que ça. Et l'air mauvais du garde fait contraste avec les prunelles énamourées qu'il écarquillait plus tôt... Que s'est-il passé dans son dos ? Elle n'a sans doute pas tenté de s'enfuir, sinon le tumulte l'aurait alarmée. Et puis saucissonnée comme elle est, presque nue, et les rênes dans les mains d'un autre, il faudrait être un peu stupide pour croire en avoir la possibilité. Mais ça s'est déjà vu.

Elle a arrêté sa monture pour la détailler à loisir, et le garde s'est immobilisé de même. Est-ce une lueur d'amusement qu'elle a perçu dans ses yeux ? En tout cas la fille ne les baisse pas. Mauvais signe.

Petite et mince, mais elle se tient bien en selle. Cavalière, pour le moins. La tête haute et le regard droit, fière, peut-être arrogante. Pas l'ombre de la moindre timidité, à peine anxieuse. Elle n'a pas été battue. Pas humiliée non plus, ou peu. Elle n'est pas dressée. Elle ne sait rien de sa nouvelle condition, à part l'épisode de son exhibition sur la place.

Je crois qu'elle va me donner du travail. Je n'aime guère ce genre de travail, d'ailleurs... mais qui sait. Ca m'occupera, et détournera mon esprit d'autre considérations plus moroses encore.

Et toutes proportions gardées, sauf erreur, elle aimera ça encore moins que moi.


Elle garde son impassibilité et remet sa monture au pas d'un toucher du talon et d'un bref coup d'assiette. La monte en amazone est une imbécilité dictée par des crétins trop complexés pour supporter qu'une femme tienne entre ses jambes quelque chose de plus puissant qu'eux. Fort heureusement on réserve à cet usage des bêtes assez sensibles pour que les signes les plus infimes soient suffisants. La cravache est presque décorative.

Elle reste attentive à ce qui se passe derrière elle, du coin de l'oeil, au cas où la fille s'amuserait à aguicher le garde ou à le mettre en difficulté, ralentit sa monture pour rester juste un peu en avant et la voir sans avoir à se tourner.

- A vrai dire, je n'en sais absolument rien. Que sais-tu faire ?

La voix toujours aussi froide, presque détachée.

Que sais-tu faire ? A quoi me seras-tu utile ? As-tu conscience que tu pourrais n'être qu'un caprice de dame fortunée ? Que je peux te faire ramener sur ce marché après-demain, et que la grosse maquerelle pourra alors t'acheter au rabais ? Auprès d'elle tu n'auras besoin d'aucune compétence, moins tu en sauras, plus ton premier client sera satisfait. Pour la suite, tu apprendras... comment dire... sur le tas ?

Elle se tourne pour regarder Judith, et elle ne sourit toujours pas, sereine, à la limite de l'indifférence...

Je n'ai pas aimé cette lueur d'amusement dans ton regard, petite. autant que tu comprennes très vite où est ton intérêt. Pour nous deux. Mais surtout pour toi.
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Judith

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MessageSujet: Re: Judith ou la déchéance ...   Judith ou la déchéance ... Icon_minitimeLun 2 Aoû 2010 - 18:18

Soudain sa monture s'immobilise à l'instar de celle de la noble dame et Judith relève la tête, surprise. Le regard froid de sa maîtresse se pose sur elle, la jauge, l'étudie jusque dans ses moindres attitudes. Se sentir ainsi observée ne la rassure pas. Elle a l'impression d'avoir fait quelque chose de mal mais quoi...? Lui a-t-elle manqué de respect? Lui déplaît-elle déjà à ce point?

Retenant ce sourire narquois qui lui chatouille la commissure des lèvres à chaque fois que ses yeux se posent sur lui, la jeune femme jette un regard peu amène au garde qui le lui rend avec autant d'amabilité. La Dame d'Ombreval a-t-elle senti la tension entre eux? Est-ce à cause de cela? Elle l'ignore mais après tout, ce n'est qu'un rendu pour un prêté. Une mise en garde. Une précaution. Il n'avait qu'à pas laisser ses sales pattes sur elle. Esclave oui. Mais pas la sienne. Qu'il se le tienne pour dit ou elle n'hésitera pas à le lui rappeler.
Et si... Non... Non! La noble ne va pas l'abandonner à ce garde poisseux n'est ce pas?

Sur ces hypothétiques suppositions, les chevaux se remettent en marche.
La bête sur laquelle est juchée Judith est douce dans son allure. Son fardeau doit lui sembler bien léger comparé au rustre qui la monte d'ordinaire. Mais même si le pas cadencé de sa monture la berce et que des reins elle accompagne doucement le mouvement, la brûlure contre ses cuisses est vive. Ses épaules crispées sont douloureuses, et le froid transperce sa tunique de toile grossière, qui frotte sur sa peau tendre et ne parvient pas à la protéger.


- A vrai dire, je n'en sais absolument rien. Que sais-tu faire ?

]Une réponse évasive qui fait naître une lueur étonnée au fond des yeux gris et lui fait prendre conscience de la précarité de sa situation. Elle n'a pas besoin d'elle. Alors pourquoi? Pourquoi l'avoir achetée? L'argent ne doit pas être un problème pour cette dame mais une telle somme pour une esclave sans talent...

La jeune femme réalise que ses airs bravaches et indociles qu'elle a parfois du mal à maîtriser, la desservent. Peut être aurait-elle dû apprendre l'art de la dissimulation... Mais elle n'a que peu d'aptitudes pour cela.
En attendant, Judith ne sait sur quel pied danser. Encore que dans la situation actuelle, ses pieds ne lui servent pas à grand chose. Elle n'a pas envie de déplaire. Pas envie non plus de retourner sur l'estrade du marché aux esclaves.

Jugeant prudent de ne pas plus courroucer sa désormais maîtresse, elle détourne les yeux et fixe la crinière de sa monture. Difficile de ne pas regarder celui ou celle à qui on adresse la parole. Elle n'a pas l'habitude. Ce n'est pas naturel pour elle. C'était même perçu comme un manque de respect dans sa famille.

"Judith, réfléchis... et vite !"

Au fond d'une impasse, on ne reste pas à contempler le mur.

De sa rapidité à répondre dépendra son avenir. De ce qu'elle dira aussi.


"Dame... J'apprends vite et je suis loyale et discrète. Je sais lire, écrire, broder ..." chanter? Mauvaise idée... A oublier. "... monter à cheval, chasser aussi... Père m'a appris."

Le regard toujours braqué sur l'encolure de l'animal, elle marque un léger temps de pause, se rendant compte que tout ce qu'elle énumère ne lui sera que de peu d'utilité avant de reprendre d'un timbre doux et posé.
" Je pourrais prendre soin de votre personne, je sais ce dont une dame de votre qualité a besoin comme attentions..."

Pour le reste... elle apprendra. Oui. La vie se chargera de lui apprendre.


Dernière édition par Judith le Mar 3 Aoû 2010 - 15:31, édité 1 fois
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Aliénor d'Ombreval
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Aliénor d'Ombreval


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MessageSujet: Re: Judith ou la déchéance ...   Judith ou la déchéance ... Icon_minitimeLun 2 Aoû 2010 - 18:19

Un peu d'affolement dans les yeux de la fille... Aliénor le surprend avant de faire repartir sa monture, et note le fait, enrichit son opinion sur elle de plusieurs éléments : elle est observatrice, elle comprend à demi-mot, et elle sait contenir ses réactions. Elle l'étudie du coin de l'oeil alors qu'elles avancent tranquillement vers le Palais, remarque son attitude abattue... Elle a compris, et elle réfléchit à son avenir. Elle reste attentive, sans en avoir l'air, au cas où cet avenir impliquerait un coup de pied dans la nuque du garde et une tentative de fuite...

Les avenues s'élargissent, les maisons se font de plus en plus élégantes, imposantes, et la tenue pour le moins grossière de l'esclave se met à dénoter de plus en plus dans le décor, à l'inverse de celle de sa maîtresse. Elle laisse le temps à la fille d'intégrer l'information dont elle vient de prendre conscience, tout en se fixant une limite au-delà de laquelle elle entend la rappeler à l'ordre, d'un ton bien sec... mais ce n'est pas nécessaire, car la réponse vient bien avant ce délai.

Bonne réponse, petite. La broderie, pourquoi pas, la lecture et l'écriture, ça peut servir, mais ça ne m'est pas essentiel. Tu sais monter, à l'évidence, chasser, ma foi, je n'entends pas te laisser autant de liberté tant que tu n'as pas fait la preuve de la loyauté que tu proclames. C'est insuffisant, et tu l'as bien senti, n'est-ce pas ? Et donc, enfin, voilà la bonne réponse.

Elle sourit, sans se retourner vers Judith, garde sa voix calme et presque indifférente, dans laquelle elle laisse filtrer un peu de satisfaction, néanmoins.

- Fort bien, Judith. Tu seras donc ma servante personnelle jusqu'à nouvel ordre. Nous verrons jusqu'où vont tes compétences, et comment il sera nécessaire de les étendre.

La masse imposante du Palais se découpe maintenant devant elles. Aliénor pense tout d'abord gagner une porte latérale et confier leurs montures au garde, il n'y a que d'Hécate qu'elle prenne tant de soin qu'elle tient à ce que les mains de Caram soient seules à la toucher. Mais elle décide finalement d'entrer au Palais par la grande porte frontale, la cour immense et majestueuse.

Voyons comment tu vivras ceci, jeune fille. Toi, couverte d'une guenille, à l'entrée de ce lieu dont rêvent toutes les jeunes filles romantiques du Royaume. Sois sûre qu'aucune de tes réactions ne m'échappera...



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MessageSujet: Re: Judith ou la déchéance ...   Judith ou la déchéance ... Icon_minitime

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