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 Compte-rendu de voyage (pv Iseult et Hild d'Higden)

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Guilhem de Cîmerouge
Capitaine des Gardiens de la Reine

Guilhem de Cîmerouge


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MessageSujet: Compte-rendu de voyage (pv Iseult et Hild d'Higden)   Compte-rendu de voyage (pv Iseult et Hild d'Higden) Icon_minitimeMer 18 Nov 2015 - 10:57

Avranie-Falyse-Palais Royal-Appartements d'Hild d'Higden
An 165-21ème jour du Bœuf (228ème jour)
Milieu de l'heure de l’Épée


Le chef des Gardiens de la Reine se frotta les yeux. Heureusement que la reine-mère n'était pas encore arrivée. Elle l'aurait immédiatement remarqué et elle lui aurait lancé une de ses fameuses piques qui déstabilisaient tout le monde. D'abord parce qu'elle était la mère de la reine et que ces gens-là faisaient des plaisanteries, mais qu'on ne savait pas forcément comment ils prendraient une réponse sur le même ton. Ensuite parce que la plupart des nobles qui ne la connaissaient pas bien pensaient que le sens de l'humour lydane se résumait à faire tomber des rochers sur des gens. Ils étaient d'autant plus déstabilisés.

Mais, en ce jour, la raison de l'intolérance de Guilhem de Cîmerouge à toute forme d'humour était bien plus prosaïque : il était épuisé. Être à la fois chef des espions, chef de la garde royale, et maintenant, émissaire, c'était juste trop pour un seul homme. Il fallait déléguer. Le problème, c'était qu'aucune de ces tâches ne pouvait être déléguée, sinon à quelqu'un de confiance. Et, en bon maître-espion, Guilhem ne faisait confiance à personne. Même pas à la reine, d'ailleurs, et à sa mère non plus. Réflexe professionnel, rien de plus.

En parcourant du regard les murs richement décorés des appartements privés d'Hild d'Higden, Guilhem y chercha en vain des traces d'influence lydane. Mais nul totem terrifiant, trophée macabre ou autel bizarre pour exciter la curiosité ou la paranoïa. Des murs couverts de tentures, un lit richement décoré, des chaises et une table, des tapis finement brodés. Une chambre de noble eiralienne de haut rang, rien de plus. Et pourtant, il y avait dans cette pièce un quelque chose d'un peu décalé. Comme si son occupante avait tout fait pour se plier aux normes eiraliennes, de sorte qu'elle rappelait ainsi en creux qu'elle ne l'était pas tout à fait. Oui. Cette pièce était trop... parfaite. Trop "chambre typique de noble de haut rang", d'une manière que Guilhem n'arrivait pas tout à fait à définir.

Le bruit d'une porte qui s'ouvrait tira Guilhem de ses pensées. Il se leva à demi de sa chaise, mais ce n'était qu'une servante venue lui apporter des rafraîchissements. Elle fit une révérence impeccable (une jeune fille de bonne famille dont Guilhem avait personnellement supervisé le recrutement), remplit le verre de vin de Guilhem, déposa une carafe et des fruits, et ressortit.

La porte se referma. Quelques minutes plus tard, elle se rouvrit, et cette fois-ci, c'était la reine-mère Hild en personne qui entrait. Guilhem se leva, puis se rassit sur un geste de la main d'Hild.

Elle inclina la tête en silence, avec un air légèrement interrogateur.

J'ai fait le trajet au Slianathaír conformément à vos instructions, Votre Majesté. Rien de concret encore, mais j'ai des pistes sérieuses qui pourraient aller dans le sens que vous souhaitez pour cette question de droit de succession.

Une pause.

La reine Iseult sera-t-elle des nôtres ?
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Hild d'Higden
Reine-mère

Hild d'Higden


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MessageSujet: Re: Compte-rendu de voyage (pv Iseult et Hild d'Higden)   Compte-rendu de voyage (pv Iseult et Hild d'Higden) Icon_minitimeVen 15 Jan 2016 - 21:22

La reine-mère adresse un signe élégant au chef de la Garde. Qu'il reste donc assis. Ils sont en comité restreint, nul besoin de maintenir la stricte étiquette. C'est bon pour les courtisans. Et on se fatigue des courtoisies forcées et du respect des hypocrites.

Hild va s'installer dans son fauteuil préféré, auprès de la cheminée où ne flambent que quelques flammes basses, destinées plus à l'éclairage et au plaisir des yeux qu'à réchauffer une atmosphère déjà suffisamment douce en cette fin d'été. Son regard appuyé, chargé d'une question implicite, reçoit un début de réponse. Ainsi donc ils ont eu raison de courir le risque d'envoyer au loin cet homme précieux entre tous. Des pistes, c'est déjà très bien, et Hild n'en espérait pas plus au cours de ce premier voyage, de cette prise de contact.

- La reine Iseult sera-t-elle des nôtres ?

- Elle nous rejoint dans un moment. Elle écoute le rapport de Champlong sur ses recherches au sujet de ce fameux groupe armé.

Le regard déjà vif de la femme blonde se fait plus intense, légèrement soucieux. Elle a eu son content de confrontations ardues et éprouvantes, aujourd'hui, et n'a pas envie de jouer à taquiner Cîmerouge comme elle le fait d'habitude. Surtout que les yeux nettement cernés du capitaine trahissent sa fatigue.

Nous lui en demandons trop.
Mais aussi, à qui d'autre pourrions-nous confier cette tâche ?


- Nous avons quelques minutes. J'aimerais vous dire d'en profiter pour vous détendre un peu, vous semblez las, mon ami. Mais peut-être y a-t-il des matières dont vous préférez me faire part au préalable ?

Qu'as-tu rencontré, Guilhem ? Qu'as-tu dû négocier pour obtenir ces ébauches de réponses ? Nous savions que rien ne serait gratuit. Nous sommes conscients l'un comme l'autre que certaines monnaies tachent irrémédiablement les doigts et nous sommes prêts à les utiliser quand même. Mais ma fille doit garder ses mains pures de toute souillure. C'est notre travail et nous le savons tous les deux.

Hild n'aime pas ce rôle qu'il lui faut jouer, et elle sait que le maître-espion s'en doute. Quant à son sentiment à lui sur ces actions peu reluisantes qu'il faut parfois accomplir dans l'ombre, elle n'a toujours pas réussi à le percer.
Et ça la surprend autant que ça l'agace parfois.
Il est bien le seul à résister à ce talent qu'elle a de peser les gens au premier regard.

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Guilhem de Cîmerouge
Capitaine des Gardiens de la Reine

Guilhem de Cîmerouge


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MessageSujet: Re: Compte-rendu de voyage (pv Iseult et Hild d'Higden)   Compte-rendu de voyage (pv Iseult et Hild d'Higden) Icon_minitimeSam 6 Fév 2016 - 11:01

Guilhem observait d'un air légèrement méfiant son verre de vin. Aux dernières nouvelles, il avait mis en place un système efficace pour empêcher toute tentative d'empoisonnement, mais cela faisait un moment qu'il n'y avait pas jeté un coup d’œil pour contrôler que tout se passait comme prévu.

La question de la reine-mère attira sur le visage de Guilhem un fin sourire.

Non, Votre Majesté. Pas d'assassinat, ni de chantage, ni de sombre secret dans cette affaire. Mais ne désespérons pas : la soirée ne fait que commencer.

Il redevint sérieux, regardant gravement Hild.

Un jour ou l'autre, il faudra mettre la reine dans ce genre de confidences, Votre Majesté. Elle ne peut pas éternellement croire qu'un royaume se gouverne uniquement par la bonne volonté et la sagesse. De plus, je pense qu'elle se doute qu'on lui cache des choses.

La Reine était loin d'être stupide, ou même naïve. Les circonstances de son couronnement lui avaient largement dessillé les yeux, selon Guilhem. Voir son père assassiné et être victime d'un putsch à l'âge de dix-sept ans permettait tout de même de comprendre un certain nombre de choses. Après, qu'on ne lui donne pas accès à toutes les informations en même temps pour éviter de la noyer était légitime. Mais structurer son apprentissage n'avait rien à voir avec essayer de préserver un angélisme qui, de toute manière, était déjà mort.

La porte s'ouvrit au moment où Hild ouvrait la bouche pour répondre, livrant le passage à Iseult. Guilhem se leva instantanément, inclinant la tête.

Votre Majesté.

Il resta debout quelques instants, jusqu'à ce que la reine, d'un petit geste, lui donne la permission de se rasseoir. Guilhem avait beaucoup travaillé avec Hild d'Higden, mais il était moins à l'aise avec sa fille, d'où le soin qu'il mettait à respecter le protocole. Il n'était après tout qu'un petit châtelain. Et l'autorité d'un monarque était également nourrie par ces petits rituels. Par une couronne, par un trône, par un port de tête, par la génuflexion des courtisans... Toutes choses, qui, individuellement, n'avait aucun sens concret, mais, dans l'ensemble, formaient un tout. Aucun roi ne donnait audience assis sur un tabouret d'auberge, alors que, en principe, c'était tout à fait possible. Deux paires d'yeux convergèrent vers Guilhem. Il se sentit obligé de reprendre la parole.

Parlons-nous du rapport de Champlong, ou du Slianathaír, Majestés ?

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Hild d'Higden
Reine-mère

Hild d'Higden


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MessageSujet: Re: Compte-rendu de voyage (pv Iseult et Hild d'Higden)   Compte-rendu de voyage (pv Iseult et Hild d'Higden) Icon_minitimeDim 4 Fév 2018 - 21:22

Un jour ou l'autre, il faudra mettre la reine dans ce genre de confidences, Votre Majesté. Elle ne peut pas éternellement croire qu'un royaume se gouverne uniquement par la bonne volonté et la sagesse. De plus, je pense qu'elle se doute qu'on lui cache des choses.

Hild ne répond pas. Pas tout de suite. Guilhem a raison, évidemment. Elle-même ne sera pas là éternellement pour exécuter dans l'ombre la partie la plus contestable du travail de la couronne. Un jour, Iseult devra s'en charger elle-même. Et elle haïra cette tâche, autant qu'elle en hait déjà quelques autres, moins sombres. Iseult aime l'ordre et la justice. Elle aime ce qui est honorable et lumineux. La duplicité lui répugne et les immondes petits marchandages de la politique lui feraient froncer les sourcils si elle n'avait pas déjà dépassé le stade des naïvetés et des révoltes vertueuses de cette âme trop droite qu'elle a.
Mais elle apprend. Elle apprend vite, et elle tient fermement sa place.
Il faut être sa mère pour savoir à quel point ça la blesse encore, parfois.
Elle s'endurcira. Elle s'endurcit déjà. Hild le sait. Guilhem doit le savoir, lui aussi.

Mais tant que je peux encore prendre sur moi une part de cette ombre, je le ferai. Que ma fille garde le front dégagé de ces soucis-là, il y en a bien assez pour entacher la clarté de son regard et étouffer la lumière.
Je jouerai ce rôle, tant qu'elle me le permet. Parce qu'elle est reine, Cîmerouge, et que le jour viendra bientôt où elle décidera elle-même de prendre l'entièreté de ce fardeau sur ses épaules.
Et ce jour-là je serai devenue une vieille femme inutile.
Et ce jour-là, peut-être que tu seras surpris de la force et de la bravoure qu'elle a en elle, et que tu n'as fait qu'entrevoir.


Hild allait finalement répondre, et rappeler à Cîmerouge que si Iseult ignore les détails de leurs manigances secrètes, elle est parfaitement au courant de leur existence et de leurs objectifs, mais elle n'en a pas le temps. La porte s'ouvre sur la silhouette mince de la jeune reine. Comme toujours, Hild sent son coeur gonfler de fierté à la voir s'avancer, si droite, si assurée, le regard sérieux mais le sourire doux, trop de gravité sur ses traits parfaits, trop de simplicité aussi dans ses gestes économes. Elle pourrait se permettre un rien plus de grâce, un rien plus de féminité, mais elle se moque de ces artifices et de l'effet certain qu'ils ont sur tous, hommes et femmes. Hild sait qu'elle-même en a toujours usé, par goût personnel, à la fin, mais par peur au début, peur de montrer un visage vulnérable, trop vrai. C'est quelque chose qu'Iseult ne craint pas. Et Hild l'admire pour ça.

La porte se referme, la reine-mère entrevoit le visage acéré et les mèches blondes du guerrier lydane qui suit sa fille pas à pas. Il attendra devant la porte fermée, droit comme une statue, les mains sur le pommeau de la gigantesque épée qu'il trimbale. Il attendra des heures s'il le faut.

Etrange prise que tu as fait là, mon enfant. Je ne m'y fais toujours pas.



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Iseult d'Higden
Reine d'Eiralie

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MessageSujet: Re: Compte-rendu de voyage (pv Iseult et Hild d'Higden)   Compte-rendu de voyage (pv Iseult et Hild d'Higden) Icon_minitimeDim 4 Fév 2018 - 22:16

Cette journée est interminable.

Entrevues, audiences, réunions, repas formel pris en présence d'une trentaine de courtisans, rapports à lire, ordres à envoyer, dossiers à étudier, par les Astres, quelle stupidité que cette affaire de rivière en bordure de seigneurie dont deux ours blasonnés se chamaillent la pèche... Cette affaire ridicule n'aurait jamais dû arriver à elle, il y avait des secrétaires pour s'occuper de ça, quelle importance que l'un des deux seigneurs ait lutté pour son père dans une bataille dont elle ne parvenait pas à retenir le nom !...

Alors qu'elle s'avance sur les épais tapis qui couvrent les dalles des appartements de sa mère, Iseult repousse au fond d'elle la fatigue, l'agacement et les ondes d'un découragement qu'elle sait passager. Les crampes au ventre la tenaillent depuis ce matin, elle a la tête lourde et douloureuse, des élancements le long du dos, un rien de fièvre. Maudite féminité. Pourquoi donc n'est-elle pas née mâle. Ce serait tellement plus commode pour tout le monde.

Iseult imagine un instant le sourire éclatant et néanmoins prédateur de cette amie qui adore la taquiner sur son ignorance dans certains domaines où la féminité apporte quelques satisfactions. Elle entend presque la voix d'Aliénor et son rire léger, elle voit presque les sous-entendus grivois suspendus au coin de ses lèvres roses. Oui mais voilà. Elle, elle n'y a pas droit, à ces satisfactions-là. Pas encore. Peut-être jamais.

Les joies de la féminité, et celles de la royauté. J'ai toutes les chances, vraiment.
Parfois...


Parfois Iseult la paisible, l'appliquée, la minutieuse, Iseult la dévouée aspire à un peu d'égoïsme. Un peu de liberté, de folie. Ce ne sont que des fragments d'instants, de plus en plus rares. C'était plus difficile l'année passée, et plus encore celle d'avant. Mais ça arrive encore, surtout en ces moments de fatigue profonde et d'inconfort muet, quand il faut qu'elle arbore le front lisse et le visage parfait de cette statue de marbre qu'elle se sent devenir.
Ce n'est pas de la révolte, pas vraiment. Ca ne l'a jamais été.
Juste quelques sursaut de frayeur à l'idée que cette vie-là ne fait que commencer.

Iseult surprend le demi-sourire de sa mère, auquel elle répond brièvement. Elle détourne le regard sur Guilhem de Cîmerouge avant que cette femme au regard trop aigu ne devine son malaise. Un geste pour indiquer au Gardien qu'il peut se rasseoir, quelques pas mesurés pour gagner le fauteuil qui semble devenir son siège attitré, à chacun de leurs conciliabules dans cette pièce éloignée des oreilles indiscrètes.

Parlons-nous du rapport de Champlong, ou du Slianathaír, Majestés ?

- Le Slianathaìr, messire. Elle a prononcé ce mot barbare avec un accent parfait. Un point d'honneur qu'elle met à ne jamais écorcher les noms les plus complexes, et ceux de cette contrée comptent parmi les plus épouvantables. Nous avons tous lu ce rapport, et j'ai hâte de savoir de quelle manière les informations que vous ramenez vont en éclairer les conclusions.

Parce que tu ramènes forcément quelque chose, sans quoi ma mère aurait l'air déçu. Et parce que ce rapport seul n'apporte rien de décisif. J'ai besoin d'une bonne nouvelle, Guilhem. Vraiment besoin.

Par le Souffle des Astres, Iseult ne s'est jamais sentie aussi près de tomber le masque et de piquer une colère. Ce qui ressemblerait plus à sa compagne au sang trop vif qu'à elle-même, si réfléchie, si prudente.

Patience. Je me sentirai mieux demain.

Assise dans le haut fauteuil confortable, la jeune reine surveille son visage, son regard et ses mots, force son corps raide à se détendre un peu. Un souffle, et elle repousse de son esprit toutes les pensées qui viendraient polluer sa concentration. La journée n'est pas encore finie. Mais elle finira comme les autres, et il faut penser à demain.

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Guilhem de Cîmerouge
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MessageSujet: Re: Compte-rendu de voyage (pv Iseult et Hild d'Higden)   Compte-rendu de voyage (pv Iseult et Hild d'Higden) Icon_minitimeSam 24 Fév 2018 - 1:45

Il y a quelque chose, dans l'expression d'Iseult, une sorte d'impatience, ou même de faim, qui met Guilhem vaguement mal à l'aise. Il en devine la raison, bien sûr. Tous les souverains disent, affirment et répètent à l'envi que le messager n'a rien à craindre, mais peu le pensent sincèrement, et moins encore sont capables d'appliquer réellement cette belle résolution. Quelque chose dans l'attitude de la reine suggère que les nouvelles ont intérêt à être bonnes. Bien sûr, on penserait que le devoir premier d'un vassal envers son suzerain est la vérité. Mais quand les grâces dudit suzerain sont tout ce qui sépare le vassal du retour au poste de petit soldat, le vassal fait très attention à ce qu'il dit. Sans compter que Guilhem est hautement conscient qu'il ne survivrait jamais à une disgrâce. Sa rapide ascension lui a valu bien des ennemis, et tout son réseau s'évanouirait instantanément si son étoile cessait de briller. De manière générale, il se méfie plus des réactions d'Iseult que de celles de Hild. Elle est plus jeune, donc plus sujette aux sautes d'humeur. Et il la connaît moins, bien moins. Du moins, pas en tant que monarque.

Dans les faits, j'ai toujours tendance à considérer sa mère comme la véritable reine du royaume.

Guilhem se raidit de manière perceptible, dans la position du soldat qui fait son rapport. Une reine, ça mérite un peu de formalisme.

Majesté, commence-t-il, j'ai pu rencontrer le comte Eoghan Adhaírc. Lui, ainsi que quelques personnes éminentes dans le sud du Slianathaír. J'ai eu des discussions, hum, constructives.

L'hésitation est liée au fait qu'il a du mal à définir précisément ce qu'ont été les discussions : elles ont été constructives, oui, mais beaucoup d'autres choses aussi. Cela dit, il a effectivement beaucoup appris. Même les sorties et le mépris à peine voilé de la jeune Deirdre Tollnaidh ont été des plus instructifs.

Le comte s'est montré aussi fuyant qu'une anguille, Majesté. Nous n'avons pas pu discuter de grand-chose de concret, mais il m'a montré son pays. On sentait que c'était important pour lui, et je pense que nous sommes arrivés à bâtir une relation constructive. Je pense que ça nous servira pour la suite. Les gens du Slianathaír... hé bien, disons qu'ils ont leurs têtes. Il faut prendre le temps d'échanger avec eux avant d'obtenir quoi que ce soit. Donc il n'a rien promis. Et il m'a plus ou moins fait comprendre que si nous voulions quelque chose, il faudrait lui demander clairement.

Il pince les lèvres.

Je pense que j'ai autant avancé que je le pouvais en l'occurrence. J'ai appris beaucoup de choses sur l'histoire antique du royaume de Crann Dóitheain. Ainsi que sur ses reines.

Là, il fait une pause, le temps de laisser le message passer. La pause est un poil plus longue qu'elle ne l'aurait été si seule Hild avait été là. L'esprit de la reine-mère est une lame affûtée. Cela d'Iseult d'Higden... est une lame aussi. Mais une lame qui a encore besoin de passer à la meule à aiguiser.

La politique va se charger de cette tâche.

Ils m'ont cité plusieurs noms. Reste à savoir maintenant ce qui relève de la légende, et de l'histoire. Ils m'ont présenté une...  Náhacht. Une femme qui possède de grandes connaissances, notamment historiques. Mais uniquement des récits, pas de documents écrits. Cela dit, le comte Eoghan semble convaincu que celles-ci existent quelque part. Le nom de Géara est souvent revenu dans les conversations. C'était apparemment l'antique capitale du Crann Dóitheain. Dans ses ruines, on pourrait retrouver des choses intéressantes. Mais la cité a... heum, disparu.

Guilhem s'interrompt en se rendant compte de ce qu'il vient de dire, et comment cela pourrait être perçu. Il se racle la gorge, fronce légèrement les sourcils, avant de reprendre.

Rien à voir avec un quelconque sortilège. Simplement, la forêt est épaisse, et le terrain accidenté. Plus personne ne sait où se trouve Géara. Sûrement au cœur de la forêt. Mon opinion est que trouver ces ruines pourrait nous aider considérablement. Mais il faudra probablement être plus franc avec le comte Eoghan si l'on espère son aide.

Et, derrière cette remarque, il y a une question cruciale : Eoghan Adhaírc est-il digne de confiance ? Parce que si on lui parle des projets de la reine, c'est autour de cette question que s'articule tout le reste. Et, dans une moindre mesure, la question est également importante si on l'envisage comme parti pour un mariage royal.

Mais cela, Guilhem préfère ne pas le mentionner. Ne pas trop s'avancer, ne pas oublier son rang. Laisser la reine - les reines, en fait - décider de la tournure que va prendre la suite de la conversation.
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Hild d'Higden
Reine-mère

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MessageSujet: Re: Compte-rendu de voyage (pv Iseult et Hild d'Higden)   Compte-rendu de voyage (pv Iseult et Hild d'Higden) Icon_minitimeDim 11 Mar 2018 - 1:07

Mmmmmh... Mauvaise journée.

Il n'a fallu qu'un regard, un demi battement de cil pour que la Reine-mère enregistre la tension dans les épaules de sa fille et l'éclat un rien fiévreux de son regard. Elle la connaît bien. Elle la connaît mieux qu'elle ne se connaît elle-même. Et tout ce dont elle n'est pas certaine, Hild est capable de le déduire avec une effrayante justesse à partir de signes infimes et de son talent pour imaginer ce que les circonstances peuvent imposer aux caractères. Or elle n'ignore pas grand chose du caractère de sa fille, ni des circonstances qu'elle vit.

Seule, fatiguée, vulnérable. Mais surtout seule.
Et pourtant, elle fait face.
Ma pauvre enfant. Comme j'aurais voulu que tu puisses rester aussi douce et tendre que tu l'étais avant...


... avant que tout bascule.
Avant qu'elle n'ait la certitude qu'elle ne donnerait pas de fils à son époux.
Non pas à cause de son âge à elle. A cause de sa mort à lui.
Pas de fils pour la couronne d'Eiralie.
Une fille, seulement. Trop douce, trop blonde, et trop peu pourvue en testicules.

Cîmerouge entreprend son rapport, avec l'efficacité et la concision qu'elle lui connaît. Cet homme est décidément précieux entre tous. Quel dommage qu'il ne soit qu'un roturier. Ceci dit, cette intelligence précise et tortueuse dans la cervelle d'un fils de comte, voilà qui se serait révélé terriblement dangereux.

Mieux vaut qu'il nous doive tout. C'est une forme de loyauté aussi, après tout.

- J'ai eu des discussions, hum, constructives.

Ah. Ainsi donc le nouveau noble et le comte issu de la plus antique lignée d'une des régions les plus sauvages d'Eiralie avaient pu parvenir à communiquer. Hild n'en attendait pas moins de Guilhem, c'était son talent à lui. Pas l'amabilité, non, il n'était pas aimable. Au contraire, il gardait le plus souvent une attitude froidement polie, faussement discrète, distante. Tout juste s'il lui arrivait, en sa présence à elle, de se détendre très légèrement et de se permettre un soupçon d'humour. Non, le talent de Guilhem, c'était de faire sentir à son interlocuteur qu'il y avait des plans sous les plans sous les plans, et qu'il y avait tout à gagner à attendre la suite.

Et donc, le jeune Adhaìrc avait accepté de jouer le jeu. En toute connaissance de cause, et sans s'avancer plus que de nécessaire, évidemment. Ce garçon était très loin, lui aussi, d'être un imbécile, sous ses dehors désinvoltes et presque tapageurs. Hild avait eu l'occasion de sonder le jeune Eoghan, lors des quelques visites qu'il avait faites au Palais pour le Conseil annuel en compagnie de son père, ce vieux sanglier aux défenses jaunies, et seul depuis peu, quand le sanglier avait décidé de rester dans sa bauge et de confier le pouvoir à son fils. Une vivacité d'esprit, une vigueur de caractère, un sourire facile et presque trop charmeur, et un dédain à la limite de l'irrespect pour le protocole, dont il ne respectait que le strict nécessaire, ostensiblement.
Et pourtant, aucun ne semblait lui en tenir vraiment rigueur, même cette vieille potence de Peyrefendre, qui n'avait pourtant que mépris pour tout ce qui n'était pas lui-même, et encore. Hild avait surpris dans les prunelles sombres du général une vague lueur appréciatrice, à plus d'une reprise. Elle-même appréciait beaucoup le Slianatharì, même si elle se méfiait, comme de juste, de ce qu'il cachait à coup sûr derrière ses boutades et ses éclats de rire. Eoghan était de ceux qui passent avec une rapidité déconcertante de l'humour facétieux à une gravité presque dure, têtue et acérée. C'était une tête de pioche, autant que son vieux bourru de père, glissant comme tous les cailloux de son pays moussu, tortueux comme les branches de ses arbres. En apparence ouvert et lumineux, mais un faux pas, un moment d'inattention, et les ombres froides et mystérieuses des antiques forêts se refermaient sur l'imprudent...
Oui, un homme dangereux, à plus d'un titre. Un chasseur.
Que chassait-il, en ce moment ?
Que lui offrir qui pourrait leur acquérir pour un temps son intérêt, son aide, et qui sait... ?

Hild tourne les yeux vers Iseult, tandis que Guilhem continue son récit. La jeune femme, posée dans son fauteuil dans une posture un peu trop raide pour être confortable, est concentrée sur le maître-espion, quelques plis infimes barrent son front lisse, son regard totalement attentif est fixe, froid.
Iseul écoute, trie, range, pèse, calcule. Chaque information traitée, conservée, préparée à être reliée plus tard à d'autres informations, pour en sortir des lignes directrices, des stratégies, des décisions.

Alors qu'il s'agit peut-être de ton futur époux.
Ma pauvre, pauvre enfant...


Hild, mariée à seize ans à un étranger, n'a connu l'amour qu'à la longue. Elle n'aimait pas Petrus, évidemment, pas au début. Il était le contraire de ce qu'elle attendait. Mais elle en était venue à chérir ce contraire, au bout de bien des années.
Iseult, elle, n'attendait rien. Ou si elle attendait quoi que ce soit, elle gardait au fond d'elle ses rêves de gamine et ses émois de demoiselle. Iseult était reine, son époux serait un allié, un gage, un lien pour attacher à la couronne une maison puissante. Il n'y aurait rien dans cette union pour le coeur d'Iseult.
Mariage politique.
Alliance. Devoir. Nécessité.

Derrière la porte un guerrier lydane montait la garde, un homme jeune et fort, toujours trop peu couvert selon les standards de la cour d'Eiralie. Nombreuses étaient les donzelles à lui faire les yeux doux et à chercher à l'attirer dans leur lit. Et certaines y parvenaient, ce n'était pas un mystère. Quand le devoir du guerrier était achevé et que celle qu'il suivait en permanence, comme une ombre fidèle, reposait en sécurité dans son lit, il allait visiter la couche de jeunes beautés frémissantes et offertes. Mais Iseult, elle, dormait seule. Hild y aurait veillé si ça avait été nécessaire, mais ça ne l'était pas. La jeune reine avait bien compris qu'aucun doute ne devait pouvoir être émis sur l'identité du père des enfants qu'elle porterait. D'autant plus vu la présence de cet étrange chien de garde, trop barbare, trop viril. A vingt ans, la jeune reine, si belle, si froide, attendait toujours de découvrir ce qu'un corps mâle peut apporter de chaleur et de fièvre.
Brusquement, Hild se prend à vouloir lier à leur maison cet homme jeune au sourire dévorant, à l'esprit vif et aiguisé, au corps vigoureux. A souhaiter cet époux pour sa fille. Elle pourra aimer cet homme-là. Il a les qualités d'un homme de pouvoir, mais il a plus à offrir qu'une alliance. Hild en est persuadée. Il y a d'autres partis possibles. Des premiers fils, des seconds fils, des frères de comtes. Mais...

Des ombres pâles, sombres, des yeux fuyants.
Ma pauvre enfant.
Mais il le faudra peut-être. Nous ne pouvons choisir sur cet argument-là...


Le coeur de Hild est douloureux. Peut-être que l'alliance qu'elles choisiront finalement n'offrira à Iseult qu'un lit froid et triste. C'est comme ça. Le pouvoir est à ce prix, elles le savent toutes deux.

Mais qu'est-ce que j'ai aujourd'hui ?

Avec effort, Hild ramène son attention sur Cîmerouge. La mine tendue et les traits tirés d'Iseult l'ont décidément lancée sur de bien sombres réflexions. Il n'est pas question de ça, pas encore, pas avant longtemps.
D'abord, trouver les arguments qui la feront reine pour de bon.
Ensuite... ensuite, seulement, il faudrait voir à lui choisir un consort.
Non pas un roi. Un consort.

Et ceux qui auraient envoyé leur fils devenir roi réfléchiront à deux fois avant d'accepter qu'il ne soit qu'un faiseur d'enfants à une reine de droit. Beaucoup se détourneront avec colère.

La voix d'Iseult, neutre, précise, vient interrompre les pensées de sa mère.

- J'imagine que le comte Adhaìrc a flairé les raisons qui dirigent votre intérêt vers les reines antiques, messire. Qu'il ait donc accepté de vous en parler me paraît bon signe, l'indice, au moins, qu'il ne soit pas opposé à l'idée du pouvoir dans les mains d'une femme. Et qu'il vous ait guidé à la découverte de sa terre est un autre signe des plus favorables, il me semble.

Iseult tourne son regard vers Hild, et celle-ci acquiesce. Elle a eu deux décennies pour découvrir ce que cache le front épais des hommes et femmes du Slianathaìr, et elle sait qu'elle ne se trompe pas.

- Ils sont fiers du moindre rocher moussu, du moindre filet d'eau, du moindre arbuste accorché dans leur terre. Fiers et jaloux. Et vous êtes un nouveau venu, par faveur royale, dans leur monde. Oui, c'est un excellent signe.

Hild se lève, tout en parlant, s'approche d'une petite table où reposent un flacon et des timbales d'argent, en emplit trois. Elle offre l'une d'elle à Iseult, et apporte la seconde à Cîmerouge avant de regagner son siège. Un geste simple, mais significatif.

- Il va donc falloir choisir ce que nous allons prendre le risque de dévoiler, sachant qu'Adhaìrc se doute déjà de ce que nous cherchons, mais ignore encore jusqu'où nous avons l'intention d'aller.

- Et choisir ce que nous allons lui proposer en échange de son aide, et de sa discrétion. Car il ne nous aidera pas pour rien, n'est-ce pas ? Alors, messire ? D'après vos impressions, qu'avons-nous à offrir qui intéresse le comte Adhaìrc ?

Excellente question. Epineuse questions.
Car Adhaìrc, le fils comme le père, n'a jamais fait mystère de ses réticences et de ses réserves concernant le reste de l'Eiralie. Ils savent qu'ils dépendent de leurs voisins comme leurs voisins dépendent d'eux, mais clament pourtant leur spécificité et la prééminence de leurs coutumes sur celles du reste du royaume.
Alors oui, c'est un problème à soulever.
Que pourrait vouloir de la couronne la région la moins Eiralienne de l'Eiralie ?


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Guilhem de Cîmerouge
Capitaine des Gardiens de la Reine

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MessageSujet: Re: Compte-rendu de voyage (pv Iseult et Hild d'Higden)   Compte-rendu de voyage (pv Iseult et Hild d'Higden) Icon_minitimeMer 14 Mar 2018 - 20:46

Là, Guilhem de Cîmerouge est aussi à l'aise qu'un poisson dans l'eau. Et ce sont les seules occasions où il autorise son vernis d'aimable humilité et de respect de ses supérieurs, plus nobles que lui, à se craqueler si peu que ce soit. Ce n'est pas de l'arrogance, non. Enfin, pas vraiment. Plutôt la tranquille assurance du savant, de celui qui se sait indispensable. Quels que soient les titres de noblesse, les hauts faits des ancêtres et les terres possédées, la réalité est simple : il sait des choses que les autres ne savent pas. Unique en son genre, il collecte des informations issues d'un réseau d'espions exceptionnellement organisé, unique en son genre. Et, qui plus est, il s'intéresse vraiment aux gens, et il les connait. En politique, lorsque l'on sait ce que désire quelqu'un, on peut neuf fois sur dix en déduire ce qu'il va faire. Et Guilhem sait parfaitement ce que désire chaque personne importante en Eiralie. Il en a fait un métier à temps plein. Et là, c'est exactement ce qu'on lui demande. Il est dans son élément.
 
Le reste, il n'a pas besoin d'y répondre. Ce sont des évidences, ou des choses avec lesquelles il est d'accord, sans plus de remarques à apporter. Dans le genre de profession qu'il occupe, il est plus important de savoir se taire que de savoir parler. Mais voilà la question cruciale. Et Iseult, dont l'esprit a certains jours le tranchant d'une lame acérée, a directement tiré une flèche en plein cœur du problème. Sur la question fondamentale. Que veut Eoghan Adhaírc ?
 
 
La préoccupation principale d'Eoghan Adhaírc, commence précautionneusement le châtelain,est strictement la même que celle de son père Connell. Ils craignent d'être marginalisés et dévorés par la culture eiralienne, disons, "classique". L'Eiralie post-impériale. Le comte Eoghan veut maintenir et sécuriser sa sphère d'influence culturelle.
 
C'est un langage très cynique, et Guilhem est à peu près certain que le comte Eoghan, s'il avait été présent, aurait mis les choses au point et expliqué que sa culture était riche et méritait d'être défendue, non en tant qu'espace d'influence, mais pour elle-même, ou quelque chose de ce goût-là. Mais Eoghan n'est pas là, bien sûr, et Guilhem de Cîmerouge, maître espion de Sa Majesté, a une vision nettement plus concrète de la problématique de l'affrontement culturel entre vestiges de Crann Dóitheain et Eiralie post-impériale.
 

Nos options sont limitées. Eoghan Adhaírc a toute la fierté d'un pays derrière lui, et leur nuque est chroniquement roide. C'est un homme raisonnable, mais je soupçonne qu'un bon nombre de ses vassaux sont du genre... susceptible, et chatouilleux sur la question des origines. Ils vont être difficiles à apprivoiser, et le comte Eoghan devra leur donner des gages.
 
Sauf à soupçonner que Deirdre Tollnaidh soit une seule illuminée et une exception en sa contrée, il fallait supposer qu'il y en avait d'autres comme elles. Et, si l'intuition de Guilhem était vraie, cela faisait du Slianathaír une région encore plus difficile à manier que prévu.


En résumé : on ne peut pas le soudoyer, ni le menacer. Nous avons besoin de sa coopération pleine et entière pour une affaire comme celle-ci. Inutile également de faire appel à sa loyauté et à son allégeance. Les comtes ne donnent rien gratuitement, allégeance ou non.
 
C'est une manière brutale d'exprimer les choses, mais ce que pense réellement Guilhem est bien plus sordide, même s'il est assez sage pour empêcher les paroles de franchir ses lèvres.

Si la noblesse fait tant d'histoires, de cérémonies et de rituels à propos d'allégeances, de loyauté et de serments, c'est justement parce que tout le monde sait que les allégeances changent en fonction du sens du vent. Serment d'allégeance mon cul. Si la chose allait tellement de soi, on n'en ferait pas une telle histoire. Et par ailleurs, mon poste ne servirait à rien. Ni en tant que maître espion, ni en tant que chef des Gardiens de la Reine.

Par ailleurs, ils ont déjà l'impression d'avoir fait plus que leur part lors de la dernière Guerre Sainte Lydane. Non, il faut leur donner de la considération. Et l'assurance d'une influence accrue dans le futur.
 
Guilhem chercha un moment ses mots, retournant les phrases pour chercher la bonne manière d'énoncer sa conviction profonde, forgée lors de ses réflexions durant le trajet. C'est alors qu'il décida que, vraiment, il n'y avait aucune bonne manière de l'énoncer. Ni même de mauvaise. Il n'y en avait, en fait, qu'une seule.

Je pense que notre meilleure chance est de lui proposer un mariage royal.
 
Il se tut, attendant l'inévitable flux de questions et de critiques qui suivrait une proposition aussi radicale.
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Iseult d'Higden
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MessageSujet: Re: Compte-rendu de voyage (pv Iseult et Hild d'Higden)   Compte-rendu de voyage (pv Iseult et Hild d'Higden) Icon_minitimeJeu 29 Mar 2018 - 10:49

Iseult garde un silence prolongé. Totalement concentrée à présent, elle a cessé de prêter attention à ses divers inconforts physiques, elle est devenue ce qu'elle devient de plus en plus régulièrement ces temps-ci : un raisonnement. C'est un fonctionnement étrange et qui la surprend encore elle-même, et qui l'inquiète un peu aussi. Face à une question ardue, elle a constaté cette tendance à analyser d'abord, clairement, froidement, tout ce qu'elle peut appréhender de causes, de conséquences et de liens, réels ou hypothétiques. Et si elle constate avec un certain plaisir que cette... étrange disposition d'esprit l'emmène beaucoup plus loin qu'il y a quelques mois encore, elle lui fait peur.
Parce que n'est qu'après en être sortie, plusieurs décisions possibles à l'esprit, qu'Iseult envisage, comme une seconde couche de réflexion, l'aspect humain qui auparavant était prépondérant chez elle. A présent, elle considère tout ce qui est possible et sélectionne ce qui est efficace. Et puis seulement, elle réfléchit à ce qui est noble, ce qui est juste, ce qui est honorable, ce qui est bienveillant.

Et si je perdais la bienveillance ? Et si je perdais la justice et l'honneur ? Et si je ne devenais plus qu'un couperet ?

Oui, c'est effrayant. Iseult s'est toujours définie comme quelqu'un de bon. Cette froideur l'effraie. Il lui est arrivé d'éteindre des vies par la lame et le poison, dans ces moments de clarté glaciale. De détruire des lignées. De disperser des fortunes. Parce que ce serait le moyen le plus sûr, le plus définitivement sûr. Et puis de repousser, horrifiée, ces réflexions, avec un sursaut de dégoût. Comment pouvait-elle, elle, Iseult, imaginer une chose pareille.

"Tu le peux. Tu le dois, même. Allons, ma chère. Rester un agneau au milieu de cette meute ? Tu crois vraiment que ce serait une bonne chose ? "

"Mais à ce point ?..."


Aliénor, son amie d'enfance, avait haussé les épaules et fixé le lointain de ses yeux d'aigue-marine. Iseult lui avait toujours envié cette dureté, cette apparente désinvolture qui cachait une volonté de fer.

"Quel point ? Imaginer toutes les possibilités ne veut pas dire que tu peux prendre tous ces chemins. Dis-toi qu'au moins ça t'évitera les mauvaises surprises. Tous n'ont pas ton coeur tendre. Et eux n'hésiteront pas. "

Le sourire de la comtesse d'Ombreval était sincère. Et son avertissement tout autant. Iseult avait mal dormi cette nuit-là. Aliénor avait-elle compris qu'elle se sentait devenir un monstre ?

Ou seulement une reine, Iseult. Seulement une reine.

C'est ce qu'elle est à présent, alors qu'elle écoute avec une attention totale les mots de son maître-espion. Une reine, ou un monstre. Elle visualise les traits, le maintien et l'allure des deux comtes Adhaìrc, le père et le fils, si semblables dans leur intransigeance, si différents dans leur manière de l'exprimer. A travers les manières de ces deux hommes, il transparaît quelque chose des animaux sauvages. Elle les sent épris de loyauté, mais pas envers la couronne. Lents à offrir leur confiance, mais capables d'être fidèles à leurs choix jusqu'à leur dernier souffle. Rudes et presque primitifs aux yeux des courtisans emperlés et embrocardés de Falyse, mais porteurs, dans la trame des étoffes tissées qu'ils portent, dans les spirales de leurs bijoux, dans les motifs piqués sous leur peau à l'encre bleue, d'une civilisation ancienne, d'une richesse insoupçonnée, tournée vers d'autres valeurs et d'autres fonctionnements. Des hommes à l'honneur rigide et au caractère rocheux.

- Adhaìrc serait un allié fort pour la couronne.

Mais.
Le vieux Connel est trop âgé. Les fils d'Eoghan sont trop jeunes, tout comme son frère cadet. Et elle ne peut accepter de cousins ni de demi-frères, trop au-dessous de son propre rang.
Il reste Eoghan lui-même. Sa mère et elle ont déjà évoqué cette possibilité.

"Son père est encore très capable de régner sur le domaine, en attendant que son fils aîné soit en âge de le faire."

"Mais il devrait quitter sa terre, renoncer au pouvoir ? Tout ça pour moi ?"

"Tout ça pour toi ? Oui. Toi, la reine d'Eiralie. Iseult, chaque comte rêve de glisser un de ses fils à ton côté."

"Eoghan Adhaìrc est comte, Mère."

"Et un comte jeune et bien bâti. Je l'épouserais bien moi-même, je meurs d'envie de découvrir ce que ces Slianatharìn cachent sous leur tartan, mais..."

"Mère !!!"

Hild avait éclaté de rire, avant que les deux femmes ne se remettent au travail, l'une avec un éclair de facétie dans les yeux, l'autre avec un soupçon de rouge aux pommettes. Que sa mère encore jeune et encore capable d'enfanter ait de tels appétits choque un peu Iseult. Elle admet ces regards de convoitise et ces remarques scandaleuses de la part d'Aliénor, qui a le même âge qu'elle et le besoin féroce de trouver un époux, mais sa propre mère ?...

Eh bien quoi ma mère. Elle est veuve depuis des années. Elle est toujours belle. Une alliance à travers elle est toujours possible. Il faudra y songer.
... Iseult, mais à quoi penses-tu ?...


Un choc léger la redresse dans son siège comme elle se sort brusquement d'une de ces phases glacées et tranchantes, avec un frisson dans le dos. Marier sa propre mère pour en tirer un profit politique. Par les Astres, c'est...
... c'est une possibilité. A discuter avec l'intéressée. A envisager avec son accord, éventuellement. Qui sait, Hild serait peut-être heureuse de se choisir un nouvel époux.
Mais ce n'est pas le sujet. Plus tard.

Adhaìrc.
Lentement, Iseult relève les yeux sur sa mère et sur Cîmerouge, qui attendent sa réaction. Tous deux ont les yeux intenses et aigus de ceux qui guettent. Iseult ne frémit pas, elle n'attend aucun coup en traître de la part de ces deux-là, même de celui qui ne l'a pas mise au monde. Il dépend trop d'elle pour prendre le risque de la pousser à la chute.

Sa voix, quand elle répond, est froide et dénuée d'émotion.

- Le domaine Adhaìrc est bien pourvu en héritiers, et le patriarche est encore solide, suffisamment pour dix années de régence. Mais Eoghan Adhaìrc n'abandonnera pas son comté pour devenir mon consort. Il ne l'aurait peut-être même pas abandonné pour devenir roi, puisqu'il est déjà roi de la seule terre qui lui importe vraiment.

Iseult fixe tour à tour ses deux vis-à-vis. Elle ne les informe pas, ils savent déjà tout ceci. Elle récapitule et synthétise. Pour commencer.
Car elle a longuement réfléchi, et élaboré une ligne de décisions, déjà. Dont elle n'a encore fait part à personne.

- S'il accepte, il m'offre de la stabilité, de la sécurité et un pouvoir mieux établi. Mais il y perd largement, personnellement, et son domaine y perd un comte jeune, fort et intelligent. L'influence qu'il gagnerait en tant que consort ne serait que celle que je lui accorderais, puisque techniquement, il aurait nettement moins de pouvoir qu'en tant que comte. A moins qu'il soit si ... convaincant au lit que la jeune niaise que je suis ne s'empresse de pourvoir à ses moindres volontés.

Il y a dans la voix claire d'Iseult la griffe sombre d'un sarcasme évident. C'est ce que tous diront. C'est ce qu'ils disent des rois vis-à-vis de leur reine, pourquoi serait-elle épargnée ?

- Un mariage ne bénéficie qu'à la couronne et affaiblit le domaine Adhaìrc. Il faut offrir une contrepartie. Et une contrepartie d'importance, vu le sacrifice qu'ils consentiraient en me donnant leur comte pour époux.

Iseult se fige, le menton droit.

- Nous devons leur proposer un statut différent. Une indépendance partielle. Ils pourront rétablir leur propre système judiciaire, leurs propres coutumes ancestrales. Les liens commerciaux devront être conservés, ainsi que les accords militaires. Le sud-Slianathaìr devient une province soumise à ses propres lois. Le Crann Dóitheain existe à nouveau.

Elle hoche lentement la tête.

- Voilà un marché qu'Eoghan Adhaìrc ne pourra refuser. Un enjeu digne de son sacrifice. Et une raison stimulante de nous venir en aide dans notre recherche, de manière bien plus active qu'un simple laisser-passer.

Un jeu dangereux. Un déséquilibre potentiel dans la région du Slianathaìr qui se retrouverait ainsi coupée en deux, avec des rancœurs des deux côtés. Mais mieux vaut entretenir un foyer à problèmes à distance raisonnable, plutôt que sous ses propres pieds...
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Guilhem de Cîmerouge
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MessageSujet: Re: Compte-rendu de voyage (pv Iseult et Hild d'Higden)   Compte-rendu de voyage (pv Iseult et Hild d'Higden) Icon_minitimeSam 21 Juil 2018 - 16:33

Guilhem resta sans voix un long, long moment. Il ne pouvait que fixer sa Reine, bouche bée. Là où il avait avancé avec prudence et extrême lenteur, comme un petit enfant faisant des mines avant d'entrer se laver dans la rivière, Iseult, elle, s'était emparée du problème et avait plongé sans hésitation, allant bien plus loin qu'il ne l'aurait pensé ou imaginé. Et ce qu'elle proposait était tellement énorme, tellement déraisonnable, tellement excessif...

Tellement irréfutable.

Et, réalisait Guilhem, effectivement, c'était l'unique chemin. Il sentait que point n'était besoin de le dire, la Reine l'avait compris. Son regard détaché, d'une dureté d'airain, l'exprimait suffisamment.

C'est... beaucoup, soupira finalement Hild.

Le maître espion hocha la tête. En effet, c'était beaucoup. Mais, pour avoir été dans le Slianathaír, Guilhem savait bien, lui, que beaucoup des vassaux de Connell trouveraient que c'était trop peu. Peut-être même Connell lui-même. Dans une négociation entre deux parties ayant des divergences de vues aussi importantes, un bon compromis laisserait tout le monde insatisfait. Mais tout de même avec la sensation d'en avoir retiré quelque chose d'important. Les pensées de Guilhem tournaient à toute allure, et il réalisait dans un coin de sa tête que la reine-mère avait parlé, et que personne ne lui avait répondu. Avant qu'il ait pu imaginer une réponse, elle reprit la parole.

Arschlach. C'est comme si chaque partie enfonçait sa main dans la besace de l'autre jusqu'au coude et la dépouillait autant qu'elle peut.

Guilhem eut un sourire, même si, en l'occurrence, la situation n'était pas très drôle. Mais elle aurait été bien pire s'il s'était trouvé quelqu'un d'autre pour entendre la reine-mère jurer en lydane, preuve de son émoi.

Et j'aurais sérieusement envisagé de faire étrangler un éventuel témoin

Mais il ne l'aurait pas fait, du moins se plaisait-il à la croire.
Souriant toujours, il releva le regard et, fixant la reine-mère droit dans les yeux, articula une seule phrase.

C'est l'alliance idéale.

Bien sûr, il y avait encore beaucoup à borner, beaucoup de points de droits à fixer une bonne fois pour toute. Effectivement, la clef était dans le maintien des liens commerciaux (ce qui n'inquiétait guère Cîmerouge, le Slianathaír étant trop dépendant de ses voisins notamment pour ce qui était de la nourriture) et militaires (ce qui était nettement moins à l'avantage de cette région). Mais, pour le reste, permettre l'émergence d'un droit local ne remettait pas en cause l'intégrité du royaume. A condition, bien sûr, de surveiller et brider très sévèrement d'éventuelles velléités indépendantistes, qui relevaient de la haute trahison. La maison Higden devait maintenir sa poigne sur l'ensemble de l'Eiralie. Mais tout cela était gérable. Tout cela devait être discuté et compris avant d'aller jusqu'au bout de la démarche.
Ses réflexions arrivées à leur terme, il hocha gravement la tête. Puis, il répéta son unique phrase.

C'est l'alliance idéale.
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MessageSujet: Re: Compte-rendu de voyage (pv Iseult et Hild d'Higden)   Compte-rendu de voyage (pv Iseult et Hild d'Higden) Icon_minitime

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