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| La veine faible | |
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Romaric de Boiscendré Chef Mercenaire
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| Sujet: La veine faible Lun 18 Juin 2012 - 21:37 | |
| Le soleil commençait à descendre sur l'horizon, et la soirée avançait nettement, lorsque Romaric revint. Il avait trouvé une idée. Enfin, trouvé... C'était une partie depuis longtemps éprouvée de sa méthode pour obtenir la peur et la douleur chez ses congénères. Étrangement, il avait la sensation, à partir de ce qu'il savait de la fille, que ça ne marcherait pas. Mais bon. Romaric se méfiait des "sensations". On ne renonçait pas à une technique qui avait fait ses preuves sur des centaines de sujets, à cause d'une simple sensation. Il fallait progresser pas à pas, de manière méthodique.
Néanmoins, il était presque gêné quand il entra dans la tente. Il fit sortir ses hommes. Ceux-ci se relayaient toutes les deux heures depuis le début de l'après-midi. Un peu moins de trois relais, donc. La fille avait toujours été sous des regards hostiles depuis qu'elle était arrivée. Normalement, cela avait un effet usant, mais elle y semblait insensible. Restait à voir ce que cela donnerait en public, et en espace découvert. On se sentait beaucoup plus vulnérable en terrain ouvert.
Le capitaine avait donné ses instructions. Autorisation de la tabasser, bien sûr. Mais pas trop. Les chefs de section y veilleraient. Une occasion pour ceux qui avaient été promus à la suite des pertes récentes de montrer à Romaric qu'ils méritaient leur poste. Interdiction de la violer, ou de la frapper au visage. Il ne fallait pas abîmer la marchandise. Des fois qu'elle se révèle vendable par la suite. Ce qui serait le cas. Romaric en faisait une affaire personnelle. Techniquement, le viol n'était pas censé l'abîmer, sauf si elle était vierge. Mais, vu... l'enthousiasme que pouvait déployer une cinquantaine de mercenaires face à une fille qu'ils détestaient... la pratique serait très différente de la théorie.
Je ne te demande même pas si tu as changé d'avis, déclara le chef mercenaire en se penchant vers sa captive toujours prostrée sur le sol.
Je vais laisser à mes gars une occasion de se venger. Tu vas souffrir comme ils ont souffert en perdant leurs camarades.
A la vérité, Romaric savait parfaitement ce qu'il en était. La plupart de ses hommes n'éprouvaient qu'un sentiment de lien très relatif entre eux. Ils se considéraient mutuellement plus comme des relations professionnelles que comme des compagnons d'armes. Étrange, d'ailleurs... dans ce genre de compagnie, les mercenaires avaient souvent l’impression d'appartenir à la même élite. Quoi qu'il en soit, il essayait de faire appel au peu de compassion que pouvait avoir la fille par cette dernière remarque.
Il appela deux gardes, qui entrèrent. Pas les mêmes que ceux qui étaient sortis.
Attachez-la au cadre en bois, au centre du campement.
Il supervisa l'opération avec le plus grand soin, alors qu'on suspendait la fille par les poignets, si haut que ses pieds touchaient à peine le sol. Il grimaça. Il faudrait la laisser redescendre, même un tout petit peu, plus tard. Sans quoi, elle se déboîterait les épaules. Mais ce ne serait pas tout de suite. Ensuite, on lui écarta les pieds, avant de les attacher aux bords du cadre, de sorte que seule la pointe de ses orteils touchait le sol.
Une fois que Romaric fut assuré de la solidité des liens comme de la relative sécurité de l'esclave, il se mit légèrement en retrait.
Rappelez-vous, tout le monde attend son tour. Nous avons tout le temps.
Le premier homme saisit dans sa main calleuse où manquaient deux doigts les poils du pubis de la fille. Romaric fronça les sourcils, mais l'homme se contenta d'en arracher une poignée d'un coup sec.
Ça, c'est pour Lié, salope, gronda-t-il. Puis il cracha sur la fille, en plein visage.
Romaric sourit. En plus de l'effet sur la captive, cette espèce de cérémonie remonterait considérablement le moral des troupes. Avoir à merci et torturer impunément l'ennemi qui leur avait fait tant de mal leur rendrait leur sentiment de force, perdu en même temps que les hommes tués par la fille. Et Romaric avait la nette impression que la baisse de moral les handicapait pour le moment plus que la baisse d'effectifs.
Dernière édition par Romaric de Boiscendré le Ven 31 Aoû 2012 - 15:10, édité 1 fois |
| | | Rowan Altenberg
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| Sujet: Re: La veine faible Dim 24 Juin 2012 - 20:47 | |
| ... souffrir comme ils ont souffert en perdant leurs camarades ? Ah oui. La douleur les a sans doute écartelés comme dans un cadre en bois. Ils étaient nus au regard les uns des autres, c'est le chagrin, vous comprenez. Et ils étaient chacun la cible des cruautés du reste de la bande, parce que c'est comme ça que les ordures se consolent mutuellement. En se foutant des coups, en s'insultant, en se tirant les cheveux, les poils. En se crachant au visage.
Rowan n'a pas protesté, pas lutté, pas émis une seule insulte, une seule plainte. Ils sont trop nombreux, elle est affaiblie, ce serait inefficace, inutile. Elle s'est même retenue de ricaner quand le tas de charognes s'est rassemblé devant elle, puant la bêtise, la mesquinerie et la couardise. Tous plus laids les uns que les autres avec leurs trognes en biais et leurs nuques fuyantes. Tous des sous-êtres, chacun d'eux. Le dernier des cancrelats a plus de noblesse que l'ensemble de cette belle famille unie.
Elle est silencieuse et elle ne les regarde pas. Elle regarde ailleurs, à travers eux, au-delà. Il n'y a rien qu'elle puisse faire pour ne pas être ici, réduite à l'impuissance et offerte à leurs petits amusements de sous-merdes assurées de ne pas courir de risque. Rien à faire, qu'à attendre. Elle se souvient de cette énorme averse orageuse qui l'avait surprise un jour à mi-chemin du haut d'une falaise. Le vent froid, la grêle. Impossible d'avancer, impossible de redescendre. Elle n'avait eu qu'une seule chose à faire : prendre patience, et tenir. Elle fera la même chose ici. Imaginer la grêle, le froid, imaginer le temps qui passe, se concentrer sur sa respiration, pour égrener le défilement des secondes.
La plupart des sévices sont douloureux, certains se veulent simplement humiliants. Celui qui lui pisse dessus, par exemple. Ou celui qui lui vide un seau d'ordures sur la tête. Et ça glousse et ça ricane, comme une bande de hyènes. La douleur atteint Rowan, évidemment. Elle ne peut pas empêcher son corps de réagir, son sang de couler, sa chair de bleuir sous les coups, son souffle de se couper quand on la cogne au creux de l'estomac. Elle ne peut pas empêcher ses épaules déjà meurtries de lui hurler leur souffrance. Mais l'humiliation ne la touche pas. Comment pourrait-elle se sentir humiliée, quand elle sait qu'aucun de ces prétendus hommes n'atteint la valeur d'un seul de ses cheveux.
Elle attend. Ils sont une cinquantaine, et quelques uns ne s'approchent pas. Deux heures à patienter. Elle a déjà fait pire. Mais pas souvent. |
| | | Romaric de Boiscendré Chef Mercenaire
Messages : 53
| Sujet: Re: La veine faible Ven 31 Aoû 2012 - 15:26 | |
| La nuit était tombée depuis peut-être deux heures. L'obscurité... Romaric l'aimait bien. De manière générale, pour des raisons tactiques. En l'occurrence, parce que c'était à ce moment que les prisonniers perdaient espoir. Même un peu après, vers minuit, mais Romaric ne pouvait se permettre d'attendre jusque là. La fille était résistante, certes, mais elle commençait tout de même à être sérieusement affaiblie. Et elle était le seul moyen dont disposait le mercenaire pour obtenir des informations sur ce Ragnar sans risquer la vie de ses hommes.
Échaudé par la guérilla dont ils avaient été victimes, il tenait à préserver les forces de la compagnie le plus possible. Tout en sachant que cet état d'esprit pouvait vite mener à un attentisme dangereux, il ne pouvait s'en empêcher.
Cette garce est arrivée à nous paralyser.
Cela ne durerait pas. Mais Romaric ne savait pas vraiment comment débloquer la situation. En réalité, faire parler la captive était la seule idée qui lui venait à l'esprit pour le moment.
Il se leva, s'approcha de la fille, toujours à demi suspendue à son cadre.
Tu sais...
Il la vit sursauter.
Je peux tenir ce rythme beaucoup plus longtemps que toi. Tu vas forcément finir par perdre.
Il y eut un léger courant d'air, et l'infime déplacement d'air que cela suscita suffit à donner à Romaric l'envie de reculer, mais il se retint. L'odeur qu'elle dégageait était infecte. Et, ironie du sort, il était fort probable qu'elle soit la seule à ne plus en être incommodée.
Alors gagnons du temps. Je vais poser des questions. Pour chaque réponse, je laisserai descendre un peu tes mains. Tes poignets doivent te faire atrocement mal, et tu dois avoir des crampes aux mollets. Mais on peut arranger ça, toi et moi. Et si tu es vraiment très gentille, j'enverrai peut-être même quelqu'un pour te laver.
Ça, il est probable que je le ferai de toute manière. Par les Astres, l'odeur est absolument insupportable !
Une fille, j'entends. Pas l'un de mes gars.
A ce moment, l'idée d'un nouvel axe d'attaque possible lui vint. Mais ce serait pour plus tard.
Qu'en dis-tu ?
Le chef mercenaire recula d'un pas, observant la fille, dont la tête, qui s'était faiblement relevée lors de son sursaut, avait retombé. Ses épaules étaient raides comme du bois, et ses mains recroquevillées et légèrement bleues, ce qui montrait qu'il y avait longtemps que ses jambes l'avaient trahies, laissant la fille suspendue en grande partie par les poignets. Le seul signe de vie qu'on pouvait noter chez la captive était sa poitrine, qui se soulevait légèrement alors qu'elle anhélait convulsivement.
C'est un animal. Et les animaux sont mus par l'instinct de conservation. Il faut qu'elle parle. Elle le doit.
HRP : désolé pour le retard. D'abord, j'étais en vacances, et après, carrément oublié que j'avais un post à faire. Toutes mes excuses. |
| | | Rowan Altenberg
Messages : 110
| Sujet: Re: La veine faible Ven 14 Sep 2012 - 11:46 | |
| Il fait sombre, et elle a les cheveux dans la figure. Un affreux paquet de tifs emmêlés, collés, empoissés de détritus divers. A travers cette masse malodorante, un reflet luit. L'éclat d'un oeil ouvert, qui fixe le mercenaire. Un oeil attentif. Certains animaux acculés ont le même regard, le même éclat de furie impuissante et de folie prête à se déchaîner. Mais elle est immobile. En partie parce qu'elle est trop épuisée pour bouger, en partie parce qu'elle attend.
- Je t'ai posé une question.
L'homme a la voix douce, de la douceur qui trahit un danger imminent. Il s'impatiente, elle le sent. Il commence à se dire qu'elle ne lui apprendra rien, et si elle n'a rien à lui apprendre, elle n'a pas plus d'utilité que la moindre esclave repriseuse de chausses, nettoyeuse de latrine, sac à foutre. Moins d'utilité, même, parce que ces filles-là, au moins, sont dociles, ce qu'elle ne serait jamais. Elle ne sera qu'un amusement temporaire, une chose vivante à torturer, dont on rit des cris et des rugissements, quelque chose à meutrir, à broyer, et à laisser mourir.
Est-ce que c'est ça que tu veux ?
Et une part d'elle dit oui. Plutôt crever que céder. Avec du bol il y aurait même moyen d'en emmener un ou deux avec elle dans le noir éternel.
Sa tête roule sur le côté, le tas puant glisse et son visage se dessine dans les rénèbres. Deux éclats jumeaux pour les yeux. Plus un autre, sur les dents découvertes. Un bruit étouffé, rauque, saccadé. La caricature d'un rire. L'homme ne bouge pas, il attend. Mais il n'attendra plus longtemps. Alors le son qui sort de sa gorge se modifie, se change en un langage, inintelligible pour la plus grande part. Un seul mot émerge de la bouillie désséchée et craquelée par la soif qui lui sort de la gorge.
- ... entendu...
Et lui aussi a entendu. Un mot, un geste, et une fille qui attendait dans l'ombre lui apporte une outre d'eau. Le mercenaire soulève l'outre et la tend à la prisonnière. Elle le regarde comme si elle voulait le tuer avec les yeux, et de fait, elle aimerait bien. Le souffle qui lui sort des narines ressemble au renâclement furieux des sangliers avant la charge.
- Décide toi. J'ai autre chose à faire.
Elle a trop soif. Elle se décide, avance la tête et ouvre la bouche. Les quelques gouttes qui y dévalent sont délicieuses comme une pluie d'été. Très vite, trop vite, l'homme retire l'outre.
- Ca suffira pour le moment. Tu auras plus après, selon ce que tu pourras me dire. Donc, tu disais ?
Elle se lèche les lèvres, avide et toujours assoiffée, plus encore, peut-être, après cette maigre ration. Sa voix est toujours un chuchottement déformé par la sécheresse de sa gorge, on dirait une porte qui grince ou le croassement d'un corbeau. Le fait qu'elle parle entre ses dents serrées n'arrange pas la qualité de son élocution.
- ... j'ai entendu... la question.
- Miracle, elle parle ! Et donc ?
Il raille. Elle fulmine. Une toux sèche et douloureuse secoue ses épaules douloureuses aussi. Elle grince encore :
- ... et donc... comme tu dis...
Le sarcasme s'étouffe dans sa gorge, mais trop tard, la part de folie a parlé avant la part de sagesse. Le résultat ne se fait pas attendre, et l'homme lui balance une belle grosse gifle sonore, qui envoie baller sa tête en arrière.
- Je suppose donc que tu refuses ma proposition. C'est dommage. Penses-tu pouvoir tenir toute la nuit comme cela ? Parce que je n'hésiterai pas. Tu peux être utile, mais pas irremplaçable.
Je sais. Je sais, ordure, crapule, charogne, je sais, tu ne m'apprends rien.
La tête trop lourde roule à nouveau sur le côté, le reflet des yeux reprend sa place, et celui des dents serrées.
- ... pense pas, nan.
Et toujours cette ombre de haine joyeuse dans sa voix. Impossible à dompter. Et cette part d'elle qui réfléchit, qui pèse, qui calcule, qui observe, la part prudente et sage qui espère trouver encore le moyen de vivre, et de vivre libre, cette part-là s'inquiète et frissonne d'anxiété.
Je suis en train de devenir folle.
L'homme parle encore. Il est sûr de lui, et a toutes les raisons de l'être. Elle le hait.
- Donc, on va devoir s'arranger. Quelques réponses, et je te donne de quoi passer la nuit dans des conditions... relativement confortables.
Elle se tait. Soupire, un soupir bref et rauque, qui lui fait pal à la gorge, aux épaules, aux bras.
- ... et puis demain... ça recommence... c'est ça ?
Ne me prends pas pour une idiote. Ne crois pas que je pourrais te faire confiance. Je sais ce que tu es.
Mais lui répond, calme, assuré, presque courtois, comme s'il était tout à fait normal pour lui de négocier avec une fille nue et crasseuse attachée à un portique de bois depuis des heures.
- Tout dépend de toi. Je ne fais pas cela par plaisir, mais seulement pour obtenir ce que je veux. Donne-moi ce que je veux et tu verras que tu ne seras pas si mal traitée.
Tu mens. Tu aimes ça. Et tu ne me traiteras pas bien une fois que tu auras ce que tu veux. Tu me donneras à tes chiens, et puis tu me tueras.
- Tu sais comment je m'appelle ?
Non. Et je m'en fous.
Mais elle retient une partie de cette réponse.
- ...nan...
- Alors pourquoi est-ce que tu massacres mes hommes ?
Le regard de Rowan devient fixe. Elle l'examine, essaie de déceler le piège. Pourquoi ? Serait-il possible qu'il l'ignore ?
Parce que tu es l'intrus. Parce que tu te caches dans les bois, et donc tu es une proie, pas un prédateur. Parce que tu t'attaques aux faibles, et que tu prépares la chute des forts par la traîtrise et la sournoiserie. Parce que tu es chez moi, et que je ne t'ai pas permis d'y être. Je ne veux pas d'animaux comme toi et les tiens, pas sur mon île. Voilà pourquoi.
Mais elle ne dira pas tout ça. Il ne peut pas comprendre. Par contre il peut comprendre ça.
- ... z'ont commencé.
- Mes gars t'ont attaqué ?
Il a écarquillé les yeux, l'air surpris. Comme si c'était tellement improbable, ses gentils petits hommes bien élevés. Une bouffée de haine noire vient réchauffer le coeur de la fille, le souvenir de ces deux types qui marchaient dans ses bois, parlant de piéger les Suéris puis d'utiliser les filles pour s'amuser. Les types qu'elle a pris au piège, se transformant en ce qu'ils voulaient voir, proie facile. Il a voulu la tuer, celui qui a trouvé la mort sur les pieux, au fond du trou. Il la pourchassait pour ça. Donc elle ne ment pas, après tout. Le sourire sombre fleurit de nouveau sur ses lèvres.
- ... ouais.
Il s'approche les mains levées, et elle ne peut s'empêcher d'esquisser un mouvement de recul. Qu'il prenne ça pour de la peur si ça lui fait plaisir. Ce n'est que de la répulsion.
Me touche pas, saloperie.
Les cordes se détendent. A peine. Beaucoup trop peu. Il est dur en affaires, le mercenaire...
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| | | Romaric de Boiscendré Chef Mercenaire
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| Sujet: Re: La veine faible Lun 24 Sep 2012 - 15:27 | |
| Romaric avait exagéré son air outré à la mention d'une attaque de la part des mercenaires, mais son mécontentement n'était pas feint. Des éclaireurs n'avaient pas vocation à engager le combat, à part le combat qui leur permettait de revenir vivant pour raconter ce qu'ils avaient vu. Mais là, la fille prétendait qu'ils avaient engagé les hostilités. Ce qui laissait Romaric face à deux options : soit elle mentait effrontément, soit ses hommes avaient péché par manque de professionnalisme.
Quoique la deuxième possibilité soit moins agréable à envisager, c'était celle que le mercenaire était enclin à considérer la plus probable. Une simple supposition. Où, sinon, cette gamine aurait-elle trouvé la motivation de s'en prendre seule à soixante hommes aguerris ? Romaric imaginait fort bien ce qu'ils avaient pu essayer de lui faire pour susciter en elle cette soif de sang. Sous la masse d'immondices qui recouvraient la chevelure de la fille, un œil, un seul œil, le fixait avec l'intensité née d'une haine presque palpable.
Romaric la vit chercher comment utiliser la légère diminution de tension de la corde. D'abord, un peu les épaules, puis un peu les jambes.
Raconte-moi l'histoire, et je te laisserai te détendre un peu plus. Mais rien n'est gratuit. Tu parles d'abord.
Elle renâcla, manifestement furieuse de céder.
C'est le moment fatidique. Il ne faut surtout rien brusquer.
Romaric resta totalement immobile, face à cet œil brillant de toute la fureur que permettait un état d'épuisement tel que celui qui concernait la captive.
Poursuivie... dans les bois.
Les mots tenaient plus du grondement animal que du langage articulé.
Alors là, elle se fiche de moi.
Que les éclaireurs aient pu faire preuve d'indiscipline était possible. Mais déjà improbable : l'un des deux était un vétéran, pour tempérer les ardeurs du plus jeune. Et l'Arc Blême n'était pas un ramassis de baltringues de base. Mais imaginer qu'ils aient pu se précipiter derrière une sauvageonne sans raison aucune, au détriment de leur mission comme de tout instinct de conservation, était tout à fait aberrant.
Ils t'ont poursuivie... Tiens donc, étrange. Parce que leurs instructions étaient uniquement de ramener des informations en restant discrets autant que possible. Donc je les vois mal, même s'ils étaient tombés sur toi, par hasard, dans les bois, en pleine nuit, te donner la chasse juste pour le plaisir de se dégourdir les jambes.
Une pause.
Tu devrais me dire la vérité, parce que sinon, tu vas finir ta nuit avec les pieds loin au-dessus du sol.
La fille ne manifesta aucune peur. C'était assez déstabilisant. Soit elle accordait bien peu de valeur à son intégrité physique et à son existence, soit elle avait franchi les barrières de l'épuisement pour arriver à l'endroit où le corps abandonne. Où les blessés, à moitié éventrés, cessent de ressentir la douleur pour attendre la mort. Dans tous les cas, c'était mauvais. Elle eut seulement un geste vague.
... m'ont vue. J'ai couru, z'ont couru après.
Ils t'ont vue. En pleine nuit, dans les bois, la fille qui a tué une dizaine de mes gars ne sait pas se cacher ? Parce que même les meilleurs éclaireurs ne voient pas une fille planquée dans un buisson, la nuit. |
| | | Rowan Altenberg
Messages : 110
| Sujet: Re: La veine faible Sam 9 Fév 2013 - 21:28 | |
| Attention...
Les questions du mercenaire sont précises, intelligentes. Il doit soupçonner que la prisonnière ne dit pas toute la vérité. Oui les hommes l'ont poursuivie. Et oui, elle aurait pu rester cachée, si elle avait voulu. Mais ça, hors de question qu'il le sache...
- ... pas eu de chance...
Oui, parce que ça arrive, la branchette qu'on n'avait pas vue et qui craque, le reflet de la lune, l'animal qui s'enfuit sous les pas des hommes et qui change brutalement de direction en sentant sa présence à elle. C'est plausible. Même si c'est archi-faux...
Le mercenaire a les yeux durs et un petit haussement de sourcils qui dit clairement ses doutes. Même s'il n'a pas les moyens de prouver ses dires à elle, il n'a besoin d'aucune preuve, puisqu'il a tous pouvoirs. Mais il n'en a pas fini avec les questions apparemment.
- Donc, tu te révèles aux yeux de mes deux gars. Ils te pourchassent, tu les tues. C'est bien ça ?
Elle pourrait ergoter sur le "tu te révèles", mais ce serait donner prise à ses doutes. Et puis elle est bien trop épuisée pour ça. Elle songe cependant à ce qu'ils ont trouvé dans la forêt, et qu'il lui faut justifier. En restant, autant que possible, au plus près de la vérité...
- ...Un. S'est tué tout seul.
- Celui qui est tombé dans le piège, oui. Et l'autre ?
- ... blessé. La jambe. Resté en arrière.
Elle s'étouffe et tousse, un raclement sec et horrible à entendre. Que l'homme ignore totalement.
- Donc, j'ai un gars vivant et blessé quelque part dans la forêt ?
Attention...
- ... sais pas. Plus retrouvé après.
Et ça c'est un gros mensonge, et il ne doit pas le savoir. Et heureusement, il le gobe, celui-là. Il lève l'outre et la porte à la bouche de Rowan.
- Bois, tu l'as bien mérité.
Et elle grince des dents, souffle sa fureur de dépendre du bon vouloir de cette brute, par le nez, comme un cheval énervé. Mais elle crève de soif. Presque malgré elle elle incline la tête et entrouvre des lèvres crispées. L'eau... un délice, qui lui coûte bien cher.
Le bourreau boit lui aussi, commente sa propre soif, à parler autant. Et la captive rêve de le voir partir dans un souffle de vent, sec comme une feuille d'automne. Ou mieux, de le broyer sous son pied.
- Donc, reprenons. Mes hommes te prennent en chasse, l'un tombe dans ton piège, l'autre se blesse. Tout seul ?
Elle a un petit bruit de gorge qui lui échappe et cette fois c'est un peu plus clair. La tête posée sur un bras douloureusement étiré, le visage mangé sous la tignasse, elle ricane.
- Non. Moi. Avant de courir.
Il ne relève pas.
- D'accord. Et ensuite, qu'est-ce que tu as fait ?
Un instant elle se demande de quel ensuite il parle, au juste. Et décide de rester dans le facile, le presque exact.
- Courru. Semer l'autre.
- Donc tu sèmes l'autre. Ou plutôt, tu l'envoies droit sur un piège, que tu as probablement posé toi-même au préalable. J'ai bien résumé ?
Elle ne répond pas, hoche vaguement la tête. Oui, évidemment, c'est elle qui a creusé le piège. Et elle savait parfaitement où il était.
- Tu as encore soif ?
Un autre bruit de gorge, plus soyeux, comme un bruissement d'ailes. Une lueur d'ironie lui filtre entre les paupières. Comme si elle pouvait en avoir assez avec les quelques gouttes qu'il lui a données, après une journée entière sans eau.
- ...ouais.
- On dit "s'il vous plaît". Même dans les bois, la courtoisie a toujours cours.
Salopard. Plutôt en crever.
- Non ? Dommage pour toi.
Et il vide les dernières gouttes par terre. Elle le regarde faire. Elle sait qu'elle le tuera. Même s'il faut que ce soit son tout dernier geste.
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| | | Romaric de Boiscendré Chef Mercenaire
Messages : 53
| Sujet: Re: La veine faible Jeu 9 Mai 2013 - 23:11 | |
| La fille ne regarda même pas les dernières gouttes tomber, à la place, elle planta ses yeux fous dans ceux de son tortionnaire, et Romaric se félicita sincèrement à ce moment-là qu’un regard ne puisse tuer. Même ainsi, il sentait le feu brûlant de sa haine, qui lui rongeait l’estomac comme un morceau de fer chauffé à blanc. Maintenant, il te reste encore une chance d'arriver à passer la nuit avec les pieds à plat au sol. Pour l'eau, nous verrons quand tu seras un peu plus conciliante. Donc, tu tues mes deux gars qui t'ont agressé. Et après, tu décides d'attaquer le camp, tant que tu y es. C'est bien ça ?
La voix de Romaric dégoulinait de sarcasme, et, même dans l’état où elle était, il était impossible qu’elle ne se rende pas compte.
Léger haussement de sourcils, à peine visible.
En gros, ouais…
La voix de Romaric se fait de plus en plus caustique. Hmmm hmmm… Tu peux me préciser un peu ce qui t’a amené à prendre cette décision ? Le mélange d’émotions qui se déchaîna alors sur le visage de la captive était aisé à décrypter. Ses yeux s’arrondirent sous l’effet du choc et de l’incrédulité, tandis que son corps se mettait à trembler de rage, consumant ainsi des réserves d’énergie dont Romaric ne soupçonnait même pas la présence.
Le petit…
La fille planta ses yeux dans ceux de Romaric, qui ne put s’empêcher de les baisser. Elle avait touché juste. Il l’avait oublié, ce gamin. Il eut une grimace fugitive. C’était une des choses dont il préférait ne pas se souvenir. Ah. Oui, le gosse, évidemment. Nous n'avions pas le choix.
L’argument sonne un peu creux, même à ses propres oreilles. Surtout à ses propres oreilles, en fait.
Nous sommes arrivés dans un pays hostile, pour une mission difficile, face à un ennemi supérieur en nombre. Il nous faut le pousser à la faute. Et susciter la colère... était un de ces moyens. Si ça peut te soulager un peu, sache que j'ai fait en sorte que sa mort soit aussi douce que possible.
La captive eut un petit rire dénué d’humour, et secoua la tête en roulant des yeux lorsque Romaric affirma qu’il avait adouci sa mort. Pourtant c’était bien le cas. Il se rappelait de comment il avait réprimandé ses hommes, en achevant le gosse d’une flèche bien placée. Mais la jeune fille ignorait tout cela, et l’aurait-elle su que cela n’aurait rien changé. Elle se contenta de lancer une œillade dégoûtée au chef des mercenaires, avant de lâcher deux mots, comme une sentence définitive.
Il criait.
Et ce n'était pas de mon fait !
Romaric sentit la rage dans sa voix, mais il se reprit immédiatement. Ce n’était pas à lui de perdre le contrôle de soi. La colère faisait commettre des erreurs fatales : c’était à la captive, d’être envahie par la fureur. Pas à lui. Il espéra simplement qu’elle n’avait pas remarqué ce moment de faiblesse.
J'ai abrégé autant que j'ai pu. Crois-moi, je n'aurais pas pu faire plus. Je t'en donne ma parole…
Ma parole de noble. La parole de Romaric de Boiscendré. Je n’ai jamais trahi un serment, quoique j’aie pu faire d’autre.
La prisonnière eut un sourire de dément, et Romaric eut alors la conviction que son esprit était au bord de la rupture. Mais, généralement, à ce moment, les esclaves se recroquevillaient, sanglotaient, perdaient toute dignité. Tandis que celle-ci semblait vouloir anéantir tout ce qu’elle pouvait comme un animal blessé dans ses derniers soubresauts d’agonie. Ses yeux injectés de sang s’écarquillèrent encore un peu plus. Un chuchotement sortit d’entre ses lèvres.
Je te crois…. pas ton genre… de torturer.
Romaric serra les poings.
Je fais ce que je dois faire, c'est tout. Crois-tu que ce Ragnar, le seigneur des lieux, aurait fait différemment ? Je connais les Suéris. Ils n'ont de compassion que pour les gens de leur clan. Et tous les nobles de tous les pays font de même. Alors ne me donne pas de leçons !
Encore une fois, cette hypocrisie qui révulsait Romaric. Hou ! Hou, les méchants mercenaires ! Ce qu’ils font, ce n’est pas bien du tout. Non, ma bonne dame, moi je les paie et je leur dis d’obtenir des informations par tous les moyens. Mais jamais, jamais, jamais, je le jure devant les Astres, je n’aurais imaginé qu’ils utiliseraient la torture ! Bon, il en a peut-être un peu parlé, mais je me bouchais les oreilles en chantant à ce moment-là, comment aurais-je pu le savoir ? Quoi ? Tu dis que mon seigneur bienveillant qui veille sur moi et que j’adore fait pareil à l’étranger ? Oui mais c’est pas pareil. A l’étranger, moi je peux faire semblant de ne pas savoir, et de toute façon, c’est normal. Mais alors que ça m’arrive à moi, ou à quelqu’un que je connais, alors là c’est intolérable.
Bande de vermisseaux hypocrites et puants, tous autant qu’ils sont...
L'esclave qui se tient à ses côtés est manifestement terrorisée. C'en est extrêmement gratifiant. Mais le sourire de la prisonnière s'élargit encore, si c'était possible, jusqu'à paraître fendre son visage en deux. Romaric envisage brièvement de lui en dessiner un deuxième identique sur la gorge. Mais c'est trop tôt, ce serait une erreur. Il faut qu'il se calme. Sauf qu'elle ne l'y aide pas vraiment. Les insultes s'échappent encore de sa bouche, au rythme de sa respiration haletante.
Pas de leçons. ... ... suis pas noble, moi... ... 'pour ça, je tue pas les petits. ... faut avoir des raisons... |
| | | Rowan Altenberg
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| Sujet: Re: La veine faible Mar 28 Mai 2013 - 12:10 | |
| Ca marche. Elle le sent plus qu'elle ne le voit, ça marche, il réagit, il s’empêtre, il se défend, comme s'il était lui ligoté en croix à ces poutres, et pas elle. Ca marche, et elle jubile, et elle le hait et le méprise plus encore, et elle attise encore sa haine de lui, sa colère, son envie de lui faire du mal, beaucoup de mal, le plus de mal possible.
- Tais-toi, maintenant. Je crois que tu en as assez dit.
Elle retient un autre sarcasme, un reste de raison qui lui souffle de doser, de prolonger, d'éviter qu'il n'explose avant qu'elle lui ait porté suffisamment de coups. Avant qu'elle ait épuisé le stock de cruauté qu'elle a accumulé rien que pour lui. Parce que si elle ne parvient pas à se vider de ce poison-là, elle en mourra elle-même.
L'autre, là-devant, s'est un peu ressaisi et passe à la contre-attaque. Rowan sourit sous ses cheveux sales, toujours le même rictus hideux qu'elle lui assène depuis plusieurs minutes.
- De toute manière, pourquoi maltraiter un enfant ? J'ai une esclave à disposition...
Il sourit à son tour, ou plutôt il montre les dents. Un signe de tête désigne la jeune esclave à son côté. Mais Rowan ne s'y laisse pas prendre, elle le fixe, lui. La fille ne compte pas. Pas pour le moment. Elle chuchote toujours, de sa voix rauque.
- ... sais pas... la musique est plus claire ?...
Le tortionnaire éclate de rire, étrangement. Il crache quelques mots à l'esclave.
- Rejoins-moi sous ma tente. Une fois que nous en aurons fini, tu viendras t'occuper de notre hôte.
Puis il s'adresse aux gardes.
- La fille la lavera. Vous lui donnerez un peu à boire, trois gorgées, pas plus. Vous la détacherez, lui laisserez faire quelques pas. Puis vous la rattacherez, moins serrée, mais debout.
Le regard qu'il revient fixer sur sa captive est chargé de tas de choses sombres. Elle ne frémit pas. Continue de le défier. Mais au fond d'elle une vague de désespoir se lève. Trop tôt, il part trop tôt. Il y a encore tant de poison en elle.
- Je ne veux pas qu'elle dorme cette nuit. Elle aura le temps de réfléchir à l'intérêt de tenir sa langue.
Le rire chuintant, cassé, s'élève à nouveau sous la tignasse rousse. Le murmure chargé de fiel.
- ... faudrait savoir...
- Et mettez-lui un bâillon après.
Il la toise de ses yeux froids.
- Tu apprendras qu'ici, tu ne parles que quand JE le veux.
Et il s'en va vers sa tente, la fille terrorisée aux trousses.
Le "sinon quoi ?..." de la fille tendue dans le cadre de bois flotte dans l'air, après qu'il soit parti. La tête rousse retombe sur le côté, elle ferme ses yeux jaunes. Et plonge en pensée dans l'eau de la rivière, dans le courant frais qui l'emmène loin. Loin des bruits qui montent de la tente. Loin de tout.
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